lundi 25 novembre 2013

Paysage urbain d’une ville du bout du monde


Sud-Extrême de Madagascar, ambiance de comptoir colonial, bout du monde ; laissez-moi vous guider dans les rues de Fort-Dauphin.

Coincée entre une chaine de montagne désertique et le grand bleu, la ville de Fort-Dauphin a la forme d‘une main qui agripperait désespérément l’Océan.

Face au centre ville, à droite du Fort-Flacourt (jadis « le » Fort-Dauphin), l’immense baie Dauphine et bordée par un ourlet de sable qui se prolonge en crêtes aux silhouettes fantastiques. Les Malgaches l’appellent « la plage aux épaves ». Dans le vieux port, sur la plage, à quelques mètres du rivage, les épaves sont partout et constituent une armada silencieuse. Fort-Dauphin, dernière destination pour les vieux bateaux. Ils s’endorment doucement allongés sur le sable chaud, se laissant rouiller en attendant les pilleurs d’épaves et les ribambelles de gamins.

A gauche de la mairie, il y a le collège privé du Sacré-Cœur avec sa majestueuse allée plantée d’arbres tropicaux. Si nous continuions notre route nous arriverions certainement au cimetière de la ville. Il est plein de missionnaires morts loin de leur Danemark ou de leur Allemagne natale, d’administrateurs Bretons des colonies françaises, de femmes et d’hommes aux noms d’un autre temps : Zelaïde, Ernestine, Hergéménilde, Prosper,…  

Sur une autre plage, à Libanona, les pêcheurs semblent marcher sur l’eau. Ils s’avançant en équilibre avec leur canne sur les platiers rocheux qui affleure à la recherche de langoustes. La pêche est fermée, mais il y aura toujours un « riche » touriste pour en acheter une. « A quoi bon ces interdictions ! Si je n’ai pas d’argent, comment vais-je nourrir ma famille ? » riposte un pêcheur à une touriste écolo un peu trop zélée.

Plus loin, au pied de la falaise, il y une femme, enveloppé dans un tissu aux couleurs de Madagascar que le vent plaque contre elle. Elle attend son mari, pêcheur, en proposant des colliers de coquillage aux passants, puis trie son riz sur un grand plateau en aluminium

Plus loin encore, sur un cap, un groupe de maisons ont l’air à l’abandon mais c’est une illusion. Ici, tout n’est qu’assoupi, endormi, dans les vapes… Chaque paysage ressemble à une carte postale des temps anciens ; un peu abîmé, légèrement patiné, écorné et griffé par le temps et ses blessures. Comme ce bon vieux Fort-Flacourt dont la vie semble s’être figée depuis la date inscrite sur l’entrée. 1652. A chaque instant les canons pourraient se réveiller et pilonner une frégate anglaise sans que personne ne soit surpris. On s’étonne de ne pas voir le drapeau fleurdelisé des rois de France flotter au milieu des baraques poussiéreuses.  La prison installée au-dessus-de l’Océan Indien donne envie de devenir bagnard. On dirait qu’il suffit de pousser la porte pour entrer et papoter avec les détenus. La femme du « Gardien-chef » (un panneau sur la porte atteste fièrement et pompeusement de la fonction de l’occupant) prépare son repas en souriant, avec un enfant qui regarde par la fenêtre et rigole.

La ville est molle, cotoneuse et indolente, comme pétrifiée.  Au milieu des canons rouillés et des vieilles demeures créoles qui bordent la place centrale, je ferme les yeux et imagine les bals d’antan. Des guirlandes de lampions, quelques instruments mal accordés et des tonneaux de rhum ; le décor est planté. Les jeunes officiers se disputent une danse avec la fille du gouverneur, les jeunes Malgaches intimidées dans les bras des matelots bretons, les grandes dames dans leurs toilettes parisiennes qui secouent machinalement leur éventail. Les fantômes de ces danseurs sont toujours là, les dernières notes du bal ne se sont pas envolées on peut encore les entendre rebondir sur les flots…  J’aime ce parfum d’abandon, j’aime l’odeur suave du passé.

Arrêt sur images. Croiser un vieux monsieur, en costume des années 60, qui parle de Vercingétorix les yeux humides et connait par cœur la longueur de la Loire. Regarder un groupe de petite fille danser la Capucine les pieds-nus dans l’Océan Indien ou aider la Mère Michèle à retrouver son chat. Soupirer devant un groupe de sexagénaire qui joue à la pétanque avec des noix de coco un pastis à la main. Monter dans un taxi-2CV, submergé par l’émotion,  pour aller boire un Perrier et grignoter un Paris-brest au « Bar Saint Louis ».

Sur la plage aux épaves où l’on revient sans cesse, attiré par ces reliques d’un autre temps, les gosses sont toujours là, à escalader les coques rouillées, à passer par les hublots cassés pour chercher encore et toujours des trésors depuis longtemps envolés.  « Akbary », c’est le nom d’un des bateaux échoués sur lequel les vagues turquoises font des geysers.  A FD, on revient sans cesse vers la mer, tout n’est qu’écume et iode…

Assommé d’images, je retourne à mon hôtel dans une atmosphère magique : une atmosphère rose baigne Fort-Dauphin et patine un peu plus ces lieux indolents.

Le soir est tombé sur Fort-Dauphin et le porte-conteneur, chargé de provisions pour alimenter les magasins, est arrivé dans la baie des galions. Comme on ne le voit pas immédiatement dans l’obscurité, sa corne de brume semble être celle des épaves qui renaissent les soirs de pleine lune.

Toutes ses minuscules images et leurs milliers de sensations qui piquent comme des aiguilles, rejoignent ma boite à souvenir. Alors, qui osera me rejoindre à Fort-Dauphin, pour des souvenirs sans fin ?

lundi 18 novembre 2013

La mer qu’on voit danser…


Dimanche je me suis réveillé vers 6h, le ciel était bleu intense et le soleil brillait déjà. En bas la mer, turquoise, était si paisible que l’on aurait cru un lac, pas une vague, pas un remous juste de l’eau. Ni une ni deux j’enfile mon maillot.

A par quelque pêcheur s'afférant autour de leurs pirogues, la plage était déserte.
Je plonge dans l’eau un peu fraiche, et décide d’aller nager autour d’un récif. En temps ordinaire je ne m’en approche pas, les courants sont trop forts et j’ai peur de me fracasser le crâne contre les arêtes acérées du récif.

A proximité du récif je décide d’aller voire ce qu’il se passe sous la surface. Se déroule devant moi une immense falaise mouvante. Colonisée par une multitude d’algue tropicale, la falaise ondule au moindre courant d’un éclatement de couleur vive, c’est magnifique. Je replonge plus profond, des petits poissons vivent dans les cavités de la falaise, des bleus, des verts, des jaunes, des roses, des plats, des ronds, des triangulaires il y en a pour tous les goûts !  

Je nage toujours plus vers le fond. Le bleu des profondeurs est  d’un bleu intense, fascinant comme un feu. Au pied de la falaise se déroulent des colliers de coquillage, d’oursins violacés. De gros crabes et d’appétissantes langoustines me narguent, mais je suis d’humeur magnanime ils ne finiront pas dans mon assiette aujourd’hui…

samedi 16 novembre 2013

Litchis, litchis.


Mercredi dernier il a plut, un véritable déluge tropicale, les rues se sont transformées en torrent, on ne voyait pas à deux mètres devant soi, bref une journée pourrie. Je vous entends d’ici « Tais-toi chez nous il pleut depuis 1 mois sans interruption en plus il fait froid et gris… Arrête de te plaindre ! » Je ne me plains pas, c’est juste que cette pluie a une signification particulière. Selon les dictons malgaches, l’été commence par une pluie diluvienne donc c’est fait nous sommes en été ! Personnellement je ne vois pas trop la différence, il fait toujours aussi beau et chaud, le ciel et la mer sont toujours aussi turquoises ; mais psychologiquement c’est l’été et non plus le printemps !

Au-delà de ces considérations météorologiques, cette pluie a un impact sur nos régimes alimentaires. Toujours selon les coutumes malgaches, on ne peut consommer les « fruits exotiques » qu’une fois la « grande pluie » passée. Les Anciens, vous expliquent à grand renfort d’exemples que ceux ayant consommé des fruits avant la « grande pluie » sont morts dans d’affreuses souffrances ; ils auraient bravés les Ancêtres ! L’explication cartésienne étant que la pluie nettoie/ draine les fruits de toutes bactéries, si vous les consommez avant les vers s’attaquent à votre système digestif… charmant !

Désormais je peux consommer librement des litchis !!! Ahlalala, ceux que l’on trouve en France n’en ont que le nom ! Ici les litchis sont de la taille d’une pêche de vigne. Ils sont tellement gorgés de vie que lorsque vous cassez la coquille, le jus vous explose à la figure ! Ici les litchis sont charnus, goutûs, juteux, exquis et surtout donnés ! Pour vous donner un exemple pour 10 cts j’en ai un grand sac rempli. Le litchi c’est la nourriture des pauvres ; les Malgaches rigolent quand ils nous voient manger avec avidité ces fruits délicieux et se tordent de rire quand on leur explique que c’est un produit de luxe chez nous…

L’arrivée des litchis c’est la naissance d’un nouveau monde. Dans la campagne environnante  de grands arbres verts  plient sous le poids des grappes de litchis rouge carmin. De loin cela ressemble à du houx c’est magnifique ! Tout le long des rues du centre, des femmes sont assises en tailleurs, une feuille de bananier dépliée devant elles, sur laquelle a été vidé un seau de litchi. Chacun de vos pas dans la rue est suivi par un bruit de biscuit sec que l’on écrase ; les rues sont jonchés de noyau et coquille de litchis. En France les gens marchent dans la rue un portable à la main, à FD on marche un litchi à la bouche. A chacun de mes déplacement j’achète une grappe de litchis pour grignoter en chemin, et je prends un malin plaisir à cracher  les noyaux par terre… il n’y a pas de poubelle!

D’ailleurs les Malgaches ont une manière bien particulière de manger les litchis. Quand en France nous les épluchons entièrement puis nous les mangeons. A Mada on retire la partie supérieur de la coquille, comme un œuf à la coq, on le porte à la bouche puis avec une pression pouce et de l’index on fait remonter le fruit sur la langue. De cette façon, le jus du fruit ne coule pas sur les mains, mais peut-être bu dans la coquille…rien ne se perd ! 

Ce qui est le plus drôle, à mon sens, c’est de passer devant un collège le soir. Tous les caïds et meneurs sont entrain de grignoter leurs litchis tout en draguant les minettes de leur classe. Vous imaginez, en France les ados ne plus faire leurs intéressants sur leur scooter devant le collège, mais une pomme à main ? Un petit décalage civilisationnel qui n’est pas déplaisant !

Bon allez, je vous laisse j’ ai envie de manger des litchis !

lundi 11 novembre 2013

Un week-end dans la jungle


Ce week-end j’ai commencé à faire du tourisme dans la région autour de FD, je suis allé à Nahampoana (Nannpoune), une réserve naturelle dans la jungle. Nous sommes partis samedi midi dans le bus 4x4 que nous avions loué pour l’occasion. Dès que nous sommes sortis de la ville, la route s’est évanouie comme un mirage et transformée en une piste rouge et défoncée la mythique RN13. Dire que c’est une piste est largement exagéré, disons que c’est un véritable sol lunaire, ou un champ de la région de Verdun après 1917. Les ornières sont profondes, si profondes que le dessous du 4x4 raclait le sol à certains endroits. Les dénivellations sont dantesques, il y a des creux, sur toute la largeur, profonds de 70 cm environ ! A certains endroits subsistent des plaques de goudron ou de béton. Un court répit hautement apprécié. Même s’il n’a pas plut depuis une semaine, il y a des tronçons noyés sous 20cm d’eau, mais heureusement nous nous ne sommes pas embourbés.  Sur la piste très peu de voiture privée, essentiellement des taxi-brousses tellement rempli de voyageur, que certains passager sont assis sur le rebord des fenêtres, et des semi-remorques lancés à toute vitesse et manquant de chavirer à chaque nid-de-poule. 

Pas moyen d’ouvrir la fenêtre car le trafic soulève un épais brouillard rouge et les gaz d’échappement des moteurs trafiqués empestent.

Le paysage le long de la route est magnifique, ce n’est que végétation luxuriante et abondance, la jungle !
J’étais habitué aux routes  indiennes, mais comparé à la RN13 c’était la panacée. Résultat j’ai le dos en compote et je suis tout courbaturé

Nous voici à Nahampoana. L’histoire de ce parc est des plus intéressantes. Fondée en 1902, par la France pour en faire un jardin botanique expérimentale coloniale, lors de l’indépendance il est nationalisé et transformé en plantation de fruits exotiques, finalement dans les années 90 il est acheté par une famille de FD qui le retransforme en jardin botanique sous l’appellation internationale de "réserve".  A peine arrivé, nous sommes accueillis par une grande reproduction de carte postale de 1903 où l’on voit une famille de colon en visite ; chapeau coloniaux, ombrelle et porteurs, le ton est donné ; ce n’est pas une simple visite, c’est un voyage dans le temps ! Au milieu du parc il y a une superbe demeure coloniale qui sert de restaurant, d’accueil et de chambre d’hôte. Pour y accéder, il faut marcher sur un long chemin de sable blanc, bordé par des rangées de cocotiers, formant une voûte cathédralesque au-dessus de nos têtes.

Lors de la visite nous avons la chance de voire trois colonies différentes de lémurien. Ici c’est le printemps du coup nous avons pu voire les bébés lémuriens  accrochés autour de la taille de leur mère ou sur leur dos ? C’était marrant !  Je pensais que les lémuriens seraient chapardeurs comme les singes, il n’en n’est rien. Ils n’ont pas peur de l’homme, ils s’approchent de vous, se promènent tranquillement au dessus de vos têtes ou à vos cotés mais du moment que vous les laissez tranquille, ils font de même.

Nous avons décidé de passer la nuit sur place car le lieu dégage un charme nostalgique  assez enivrant, mais le guide nous à bien dit « ne sortez pas vous promenez après le coucher du soleil car nous avons perdu la trace des crocodiles, nous ne savons pas où ils sont, ça serait dommage que ça soit eux qui vous retrouvent… »

Pour le diner nous nous sommes contentés de commander un capitaine, par personne, grillé sur du charbon. Le capitaine c’est un gros poisson local carnivore et tout rouge, sa chaire est très fine et savoureuse je me suis régalé

Le lendemain nous avons laissé les colonies de lémuriens tranquilles et nous sommes intéressés à la botanique. Nous avons vu de la vanille sauvage, un arbre dont le tronc est mou (vous lui donner un coup de poing et il garde la marque de votre passage), l’arbre à cannelle, différents baobabs, cactus et plantes carnivores. Nous avons même fait un détour par une bambouseraie vieille de 71 ans. Les spécimens les plus anciens sont immenses, ils s’élancent à la verticale vers le ciel, personnellement j’avais un peu peur qu’il y en ait un qui tombe ! Au moindre zéphyr tous les troncs s’entrechoquent et font des bruits de canalisation c’est particulier mais original

Résultat de ce week-end, des souvenirs plein les yeux et les papilles, mais un gros mal de dos





mercredi 6 novembre 2013

+18 ans uniquement !


Il m’est arrivé ce soir une expérience des plus étranges. Je rentrais tranquillement chez moi un homme m’accoste : 

« Tu es libre ce week-end ? »
- je reste évasif –
« On tourne un film samedi sur la plage de ++++++ tu veux venir voire ? C’est gratuit ! »
-Oui, oui pourquoi pas, c’est quoi ton film ?-
« Un film pour adulte, mais ne t’inquiète pas c’est hétéro »
-En fait, non merci j’ai un programme de ministre-

Je ne savais franchement pas si je devais en rire ou être horrifié…

En écrivant cela je me souviens d’une autre anecdote dans le même style. Je me promenais en ville et un ado m’accoste pour me vendre des DVDs. Je n’avais pas envie de discuter donc je continue mon chemin il me rattrape en courant « Vazaha regarde j’ai aussi ca comme films » dit-il en me présentant une tripotée de film X du porno classique aux horreurs pédophiles.

Mais pourquoi tant de haine ! Je n’ai rien demandé, foutez moi la paix avec vos saletés ! 

Malheureusement il est vrai que Mada vit du tourisme sexuel et les Occidentaux sont les premiers à fournir les capitaux dans cette triste économie. Je me souviens à Tana quand j’attendais dans le café de l’aéroport ma correspondance pour FD, il y avait 3 sexagénaires Français bedonnants, assis suffisamment proche de moi pour que je suive toutes leurs conversations. Trois jeunes filles Malgaches entrent, et voilà l’un des trois Français qui s’écrit grassement, tout en les déshabillant du regard, « Ah ! Voilà les délices de Tana, vivement ce soir ! ». C’était tellement malsain que j’en avais la nausée. 

Les Occidentaux sont grandement responsables, mais il faut le dire, les Malgaches sont très portés sur la question. J’en parlais avec des expats de longue date et ils m’expliquaient que lorsqu’on voyait un poste télévision dans une case, ce n’est pas pour les infos ! Les hommes du voisinage se sont cotisés et se réunissent plusieurs fois par semaines dans ces cases exigües pour regarder les derniers « exploits » d’une sulfureuse actrice américaine.

 De même il n’est pas rare de voir, en plein jour, en plein cœur de la ville une femme et son enfant à la fenêtre d’une minuscule case occupée uniquement par un grand lit crasseux. Un homme arrive, donne 10 000Ar (3€) par la fenêtre, un lambeau de rideau transparent se baisse pitoyablement sur la fenêtre. L’homme rentre.  Il sort  2 minutes plus tard en refermant son pantalon, et continue sa route. On se sait qui de la mère ou de l’enfant a perdu une fois de plus sa dignité, mais l’amertume est bien là et brûle la gorge…