En ce temps de Toussaint je suis dans l’obligation de vous
parler du zébu. Quel rapport me direz-vous ; comme les chrysanthèmes de la
Toussaint en France, le zébu est indissociable de la mort à Mada.
S’il y a bien une chose mondialement connue de la culture
malgache c’est l’importance du culte de la mort. Les gens entretiennent des liens
très forts avec leurs morts. En effet si la religion traditionnelle malgache
repose sur le culte d’un dieu unique Zahanary, l’essentiel des rites religieux
se fonde sur le culte des ancêtres (razana), qui sont divinisés. D’après ce que
j’ai compris, les morts ne quittent pas les vivants, ils vivent dans un
ailleurs mais qui est très proche du monde des vivants, d’où une communication
intense entre les deux mondes.
Pour qu’un défunt puisse rejoindre le monde des morts
c’est un processus long et complexe qui s’étale sur plusieurs années à force de
cérémonies et de rites. Une fois par an, généralement durant l’hiver austral,
la famille du défunt se réunit et exhume son corps. Les os sont placés dans un
linceul neuf et de grandes festivités sont prévues. C’est le retournement des
morts. Oui c’est bien gentil, mais le
zébu dans tout ça !
Le zébu est au cœur des rites funéraires malgaches. Lorsque qu’un
éleveur décède, l’intégralité de son troupeau de zébu est abattu et
sacrifié en son honneur, s’il s’agit d’une personne d’une autre profession la
famille doit acheter 6 zébus pour les sacrifier. A chaque retournement des
corps, il faut sacrifier à nouveau 6 zébus. Cette pratique sacrificielle
s’appelle le joro. Mais quid des zébus morts ? La viande récupérée sert à
nourrir la famille du défunt. Quand on sait qu’une cellule familiale de base
est composée de 7 enfants et 2 parents et que
même les cousins issu-de-germain des voisins du défunt sont invités, un
troupeau de zébu n’est pas de trop pour nourrir cette foule d’invité… Mais à Mada rien ne se perd, tout se
transforme… Les carcasses des zébus sacrifiés servent ensuite à orner la tombe
du défunt ; les crânes sont posés sur de superbes totems en bois sculptés
et de petites statuettes rituelles sont sculptées dans les os.
Cette pratique funéraire est extrêmement onéreuse pour les
familles malgaches ; un zébu adulte coûte 150€, un troupeau moyen s’élève
à une cinquantaine de bêtes. Faites le calcul on arrive vite à des sommes
astronomiques, même pour nous autres Européens…
Je vais être un peu plus trivial à présent et m’éloigner de
ces pratiques religieuses, pour vous parler de mon expérience personnelle du
zébu : dans l’assiette !
Je ne saurais trop le répéter quand j’ai appris avant de
partir que la viande commune à Mada était le zébu, j’ai rit jaune. Je m’étais
dit que je gouterais pour l’exotisme mais je me rabattrais sur d’autres sources
de protéines. Quand on voit ces bovins avec le pelage sec, l’œil blaffard et la
peau sur les os, on s’image une viande sèche, filandreuse et peu goûtue (pour
ne pas dire immangeable)…
Il n’en est rien. La viande de zébu est très raffinée,
fondante à souhait et tout bonnement délicieuse. Pour ainsi dire je ne m’en
lasse pas je la consomme sous toutes les formes ; en brochettes grillées
sur la plage, en médaillon servie avec une sauce au poivre vert dans un beau
restaurant, en beignet ou en steak haché dans un burger ; sa viande se
décline à l’infinie…
J’ai récemment goûté la langue de zébu sauce pimentée
accompagnée d’un julienne de légumes sautés, ce feu d’artifice de saveurs sur
mon palais n’a jusqu’à ce jour pas eu d’équivalent, un vrai régal ! La
langue de zébu servie en fine lamelle est plus fondante que le plus fin des
fois gras !
Le zébu n’avait pas fini de ravir mes papilles. Depuis mon
arrivée j’avais vu que de nombreuses gargotes affichaient sur une ardoise
l’inscription « yaourt fait maison ». Honnêtement j’étais
sceptique ; acheter des produits laitiers dans des boutiques crasseuses
sur le bord de la route me laissait présager bien des tourments digestifs.
Ce week-end je me sentais d’humeur cow-boy, j’ai voulu
goûter ces yaourts au lait de zébu. Je décide d’en prendre un que je goute du
bout des lèvres, prêt à tout recracher. Ce régal… Il était finement aromatisé à
la vanille, ferme et onctueux un brin pétillant, mes papilles étaient en fêtes
j’en ai donc commandé deux dans la foulée !
Vous l’avez compris, le zébu fut une véritable révélation
culinaire pour moi et je suis persuadé que la gastronomie locale n’a pas finit
de m’enchanter
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