mardi 29 octobre 2013

Zillia


Je voudrais aujourd’hui vous parler d’une petite fille  qui m’a beaucoup appris.

Le lendemain de mon arrivée à FD je suis allé me baigner. Alors que je pataugeais heureux comme tout, une petite d’environ 10 ans, s’approche de moi. « Bonjour Vazaha » me dit-elle. Je lui réponds et lui demande son nom : « Zillia ». J’étais content de ce premier contact mais je pensais ne jamais revoir cette Zillia.
En prenant le chemin  « de la mine » le lendemain, je vois la petite Zillia sur le bord de ma route et qui me gratifie d’un joyeux « Bonjour Monsieur Jean ». Le soir et les jours suivant il en allait de même.

Elle avait un tel sourire et un tel entrain que j’ai finit par m’arrêter un soir pour papoter avec elle. Elle parle très bien le français et est une vraie pipelette ; ça simplifie les conversations ! Dans la conversation je lui glisse  « où habites-tu ? » et elle me répond très fièrement avec un grand geste du bras vers la plage « Là, il est pas beau mon jardin ? ».  Quand je lui ai demandé plus précisément où elle dormait le soir elle m’a emmené chez elle : les toilettes publiques de la plage ! Sur le coup j’étais horrifié de voir cette famille de 7 enfants (dont un nouveau né) ainsi que les grands-parents vivre dans ces conditions. Comment peut-on tomber aussi bas ? Comment est-ce possible de permettre ça ? A quoi servent les dons donnés aux ONG si on trouve des humains réduit à une telle condition ?

Ca m’a beaucoup travaillé, puis j’ai cessé de réfléchir en Occidental hygiéniste… D’un point de vue Malgache, cette famille qui vit dans les toilettes publiques c’est les rois du pétrole ! Et oui vous m’avez bien compris, ils ont chanceux de pouvoir vivre ici ! Comprenez-moi. Vivre dans les toilettes publiques ca signifie avoir l’électricité (chose rare même dans les villes), avoir l’eau courante à domicile (cela évite d’aller chercher l’eau à la fontaine du quartier) mais surtout ils ont des sanitaires ! Quand on sait que même pas 10% de la population malgache a accès à des sanitaires, et que ce manque est la cause de bien des épidémies mortelles ; cette famille vivant dans les toilettes publiques, a plus de chance de survie que celles vivant dans les bidonvilles. C’est dur de ne pas penser en Européen !

Revenons à la petite Zillia…

Vous ai-je précisé que le père de la petite Zillia était pêcheur ? Tous les matins, il part sur sa pirogue pour tenter de ramener à manger pour sa grande famille. Pendant ce temps sa femme vend des colliers de coquillages aux touristes.

La semaine dernière en rentrant chez moi, je l’ai vu faire ses devoirs. Elle avait bien  du mal à tenir entre ses doigts un crayon en bois tellement il était usé. J’avais un stylo publicitaire dans mon sac je lui ai  donc donné, si vous aviez vu la petite et ses parents… je leur aurai offert une maison avec piscine c’était la même chose. Ils m’ont offert des colliers de coquillage à profusion.  J’étais super gêné car ce crayon ne m’avait rien couté, alors que les colliers de coquillage vendus aux touristes leur permettent de nourrir la famille. Mais pas moyen de refuser ou je les aurais horriblement vexés. Cruelle situation…

Ce soir en rentrant à la maison, je me suis arrêté 5 minutes sur le bord de la plage pour regarder la tempête qui mugissait au-dessus de la baie des Galions. Je vois la petite Zillia qui s’approche et elle s’assoit à coté de moi.
-« Qu’est ce que tu regardes ?
 -« Je regarde la mer c’est joli quand il y a du vent… Tu ne trouve pas ?
-« Non c’est pas joli puisque c’est dangereux et en plus ça  a empêché mon père d’aller pêcher aujourd’hui »

Je pensais que contempler la furie des éléments était un plaisir élémentaire et universel, « ça ne mange pas de pain ! » Aujourd’hui, j’ai compris que prendre du plaisir à regarder une tempête c’était aussi un luxe, une excentricité d’Européen…

lundi 28 octobre 2013

Un long week-end d’élection.


Conformément aux recommandations de sécurité, je suis resté barricader dans ma presqu’ile de Libanona (petit anecdote toponymique que j’ai apprise récemment ; ce nom a été donné à la presqu’ile en raison du nombre de Libanais qui s’y étaient installés jadis pour faire du commerce. Quand je vous disais qu’on pouvait voire de tout à Mada !  )

A vrai dire même sans cette « interdiction » je ne serai pas sorti de chez moi ; ambiance tempête tropicale tout le week-end ! Remarquez c’était très beau. Les cocotiers pliaient sous les bourrasques de vent, la pluie tombait en rideau, les éclairs déchiraient l’obscurité quasi permanente et la plage avait disparu sous les assauts des flots. Un paysage somme toute apocalyptique, mais charmant à regarder depuis ma terrasse.
Mais cela eut été bien moins authentique si nous n’avions pas eu de très grosses coupures d’électricité. Je crois que le nombre d’heure d’électricité que nous avons eu entre vendredi et dimanche matin peut se compter sur les doigts d’une main. C’est fou mais c’est vraiment dans ces situations qu’on se rend compte du luxe d’avoir de l’électricité 24/24 ET 365/365…  Je me suis donc converti à la bonne vielle tradition de la bougie ! Mais tout de même il est bien difficile de cuisiner à la lueur de la chandelle ; ou de lire un livre d’un œil, tout en veillant de l’autre à ce que la cire ne tombe pas sur le canapé. Il est très handicapant quand on est issu de la « génération-interrupteur » d’apprendre à vivre sans la fée électricité ! Quelque part c’est même effrayant : quand la ville (peut-être même le pays !) sont plongés dans l’obscurité totale, de nuit, vue des satellites, l’ile disparait de la carte ; quand l’électricité fait défaut tout le système de télécommunication fait également défaut, plus d’internet, plus de réseau pour les portables, tout peut arriver ! Mais qui irait s’en soucier ?

Vendredi j’ai bravé la tempête pour aller au restaurant à 50 mètres en bas de chez moi. J’y ai rencontré deux Grecs. Certes on trouve de tout à Mada, mais deux Grecs je ne m’y attendais pas ! En discutant j’ai appris qu’ils étaient envoyés par l’Union Européenne en qualité « d’observateurs ». Ils m’ont appris que dans chaque ville de l’ile, un nombre variable d’observateur avait été envoyé. Leur mission ? Patrouiller dans la ville pour « observer ». Pour ce faire l’Union Européenne les a dotés d’un 4x4 par personne  et d’un superbe polo bleu et jaune ! Quand on sait que ces 4x4 ont été achetés pour l’occasion et acheminés spécialement depuis l’Europe en porte-conteneur, on a du mal à croire que nous sommes en temps de crise ! D’autant plus, disons le franchement ils ne servaient à rien ! Ils devaient observer. Mais quoi ?! Que les élections se fassent de manière démocratique ? (Je me demande avec malice si ce n’est pas la raison pour laquelle ils ont choisis d’envoyer des Grecs, les Pères de la Démocratie ?) Les dirigeants de l’UE ne sont pas très pragmatiques, qu’est ce qu’un civil Grec au volant de son 4x4, flambant neuf, peut faire face à un coup d’état ou une foule en révolte ?! Je ne veux pas être cynique, mais envoyer des gens surveiller la vie politique d’une ancienne colonie cela n’est-il pas une résurgence néo-colonialiste ? Au moins, me direz-vous, ils ont eu la « décence » de ne pas envoyer de Français pour cette « mission»…

mardi 22 octobre 2013

Un peu de politique, les élections présidentielles


Vivre des élections présidentielles dans un pays dit du « Tiers-Monde » est une expérience très enrichissante. Dire de la situation politique de Mada qu’elle est complexe serait un euphémisme. Je vais être honnête je n’ai  pas particulièrement étudié ce domaine, mais je pense que ce qui est entrain de se passer est très intéressant.

Les faits  (manière bien prétentieuse de vous exposer ce que j’ai cru comprendre de la situation) :
-     
           - Il y a un président au pouvoir, je n‘ai pas trop compris son statu. Certain disent que c’est un président illégitime, d’autres qu’il fait partie d’un gouvernement de transition, mis en place pour éviter une crise politique. (Je n’ai même pas cherché à démêler le  « vrai » du « faux »).

-       -   Les Malgaches sont unanimement d’accord sur ce point, ces élections sont inespérées. Apparemment cela ferait « quatre-cinq ans » (personne ne sait exactement) qu’on leur promet des élections présidentielles, mais qui sont constamment repoussées un mois avant les scrutins. Les Malgaches sont donc contents car les élections sont vendredis et elles sont toujours à l’ordre du jour. J’ai remarqué qu’ils aimaient à plaisanter entre eux sur la manière  dont les élections sont toujours reportées. Chez nous on dit « quand les poules auront des dents », à Mada c’est « quand il y aura des élections ».


-          -Vendredi prochain c’est le premier tour des élections. Vendredi prochain sera donc intégralement chômé. On m’a dit que les bars et restaurants étaient particulièrement visés par cette mesure. Le gouvernement veut ainsi éviter les attroupements, et surtout la vente d’alcool pour limiter au maximum les risques de débordements. Au fond ce n’est pas si bête, en France quand il y a des matchs de foot on devrait aussi interdire la vente d’alcool ; il y aurait moins de poubelles et voitures brulées…

-        -  Des candidats je ne peux pas vous en dire grand-chose. Certes il y a bien des affiches électorales placardées sur tous les murs de la ville, mais mon cerveau n’a pas eu le courage d’enregistrer les noms de famille malgaches, si réputés pour leur longueur. J’ai entendu parler d’un gros « cafouillage » au sujet des candidats. Apparemment il y avait 41 d’inscrits. Ici lorsque l’on va voter, le nom des candidats n‘est pas marqué sur le bulletin, c’est un numéro. Donc pour ces élections, les bulletins sont numérotés de 1 à 41. Les bulletins sont imprimés depuis des semaines, peut-être même des mois, et sont en place dans les bureaux de vote. Or les 8 derniers candidats de la liste (soit les numéros 33 à 41) se seraient désistés. Les bureaux de vote dans les grandes villes en ont été avertis, ils ont d’ores et déjà ôté les bulletins concernés. Cependant il est fortement à craindre que les bureaux de vote « en brousse », dépourvus d’électricité et de moyens de communication, ne reçoivent pas à temps l’information. Certains citoyens voteront donc pour des candidats qui ne sont plus en lice…

-         - Les Malgaches, tout du moins ceux avec qui j’ai discuté, sont extrêmement pessimistes. Certes ils se réjouissent de la tenue d’élection présidentielle après de longues années de crises politiques ; cependant ils ne se sentent pas du tout concernés, très peu ont l’intention d’aller voter. En France, c’est la même chose, il n’y a qu’à voire le taux d’absentéisme pour le constater, me direz-vous. Cependant je suis convaincu que le problème n’est pas le même. En effet, ici c’est le sud de l’ile ; zone mal desservie et isolée géographiquement du reste du pays ; Tana lieu de résidence du président c’est un autre pays… et ce n’est pas une hyperbole ! Bien qu’Etat-nation en théorie, Madagascar est  divisé en une quinzaine de peuple ayant tous des cultures, des traditions différentes, et entretenant tous des rivalités ancestrales avec leurs voisins. A FD je suis en territoire Antanosy (littéralement « ceux de l’ile ») ; Tana et sa région (si on soustrait le cosmopolitisme propre aux capitales) sont peuplées par les Mérinas (ca je ne sais pas ce que cela signifie !). Les Mérinas jouissent à Mada de la même réputation que Paris en province, cela vous donne une petite idée… Pis, dans certaines régions les Mérinas sont considérés comme fady, mot utilisé dans le vocabulaire religieux signifiant « tabou, délétère, malsain ». Mais cette dialectique est renforcée par le fait que tous les présidents Malgaches jusqu’à présent, sauf un, étaient d’ascendance Mérina. Des tentatives ont été faites pour stimuler une « conscience républicaine » chez les Antanosy. Un candidat, lors de son passage à FD, à demander à une star nationale, d’ascendance Antanosy, de faire un concert avant son intervention, pour se faire un électorat dans cette région vierge de toute tradition politique.

-         - Ni pesante, ni festive, il règne en ville une ambiance particulière. Les  rues de FD (qui ont été pavées et affublées d’égouts  quelques mois avant les élections…) sont parcourus par des gros 4x4 japonais, surmontés d’énormes enceintes diffusant des slogans politiques sur des aires de musique festive. C’est la « propagande » -synonyme de « campagne présidentielle » en français-malgache ! A la longue c’est fatiguant, ils font le tour de la ville en permanence. Mais comme c’est une petite ville j’ai l’impression qu’ils sont tout le temps dans notre rue. Le soir les élus locaux des différents partis politiques réunissent la population sur la place centrale (la Place de France !) pour les inciter à aller voter ce vendredi. Mais c’est aussi extrêmement bruyant, je suis à 5 minutes en taxi du centre ville, mais pourtant j’entends tout depuis ma chambre.

-        -  Et vendredi comment ca va se passer ? Les étrangers, les touristes, les expats et les membres du peuple Mérina  sont « officiellement et instamment priés » de ne pas sortir de chez eux de la journée.

-          -Ce qui me frappe le plus ce n’est pas l’ambiance festive voulue par les candidats, ni mêmes les campagnes qui promettent « des lendemains qui chantent », c’est la perte d’espoir dans la voix et le regard des gens. Personne ne rit aux éclats avant les élections, pas même en France, les enjeux sont trop importants, mais ici les regards sont habités par un profond désespoir. Les Malgaches se sentent pris au piège, enfermés dans une voie sans issue, prisonnier d’un destin qu’ils ne peuvent pas choisir. Aucune confiance dans l’avenir n’est visible; peu importe le vainqueur  ils savent que samedi midi ils auront toujours moins à manger que vendredi soir, c’est leur seule et unique certitude…

lundi 21 octobre 2013

Les Malgaches


Il n’est pas de mélange aussi étonnant et diversifié que celui de la Grande Ile Rouge. Ici on ressemble à tout le monde et à personne ; les mystères de la Lémurie n’ont pas fini de surprendre le touriste en vacances.
Je pense que depuis l’annonce de mon départ tout à chacun s’est déjà secrètement interrogé : mais à quoi peut donc bien ressembler un Malgache ? Je vous aurais dit que je partais 6 mois au Botswana, pays dont personne n’entend jamais parler, la réponse eut été plus simple ;  « c’est l’Afrique, ils sont noirs ». 

Madagascar la grande inconnue de notre planète…  Je serais même prêt à parier que si l’on supprimait l’île d’un planisphère avant de le montrer à un quidam, il ne remarquerait même pas cette abomination géographique.

Outre la méconnaissance du pays, cette incapacité à visualiser un Malgache est symptomatique de la richesse et de la complexité de l’histoire (ou devrais-je dire DES histoires) de l’île. A cheval entre l’Afrique, l’Asie et le Golfe Persique ce pays est un véritable melting pot civilisationnel. Dans les rues de Tana, de Tuléar ou de Fianarantsoa, vous pouvez croiser une femme noire ébène à la démarche altière, suivie d’un homme aux airs de Mandarins, leur point commun ? Ils sont tous les deux malgaches depuis des générations, voire des siècles !  

Certes je vous prends des cas extrêmes, ils ne représentent qu’une petite moitié de la population. L’essentiel de la population malgache est on ne peut plus métissée, un véritable ornithorynque du genre humain. Il n’est pas rare de voire sur une même personne, des yeux bridés, des pommettes relevées, de magnifique cheveux raides rappelant les indiennes, un nez d’africain et une peau caramelle. Etrange me direz vous, cependant j’ai rarement vu des peuples dégageant un tel magnétisme et si uniformément agréable à l’œil…

Pour vous simplifier la tâche je vais tenter une petite typologie. La côte ouest est plus marquée par sa proximité géographique de l’Afrique. Le centre de l’île, « les Hauts Plateaux », est très marquée par son ascendance asiatico-pacifique. Enfin la côte Est, peuplée par une grosse minorités d’indo-pakistanais, les karanas(prononcez « karan »), mais est, somme toute, la plus métissée en raison de sa situation  d’exception sur les routes commerciales maritimes. En revanche, sur l’ensemble de l’île, on peut croiser au détour d’une route des créoles, enfant de la rencontre entre une Malgache et un Européen.

Vous l’aurez compris je l’espère, Madagascar ce n’est pas l’Afrique, ce n’est pas l’Asie ni le Golfe Persique c’est juste Madagascar.

vendredi 18 octobre 2013

Juste pour rêver

Je voulais juste partager avec vous le coucher de soleil que j'ai pu admirer hier soir de puis ma terrasse face à la Baie des Galions


jeudi 17 octobre 2013

Nos amis les animaux (ou pas…)


Madagascar est connue pour sa biodiversité et son fort taux d’endémisme, il fallait donc je partage avec vous mes premières expériences avec Dame Nature la Gasy.

Ma maison est très bien, très confortable, je m’y sens très bien mais comme toutes les maisons du Sud les jointures et l’isolation font défaut. Bon je ne vais pas me plaindre, l’essentiel de mes huisseries est hermétique, mais il y en a tout de même trois de concernées ; c'est-à-dire il y a environ 1cm de vide entre la fenêtre et le mur. Il peut s’en passer des choses dans 1cm !

Hier matin alors que je prenais ma douche un lézard vert fluo a sauté sur mon épaule,  et est descendu en courant le long de ma cuisse ! Je crois qu’au final il a eu plus peur que moi, mais sensation garantie !
Pour continuer dans la rubrique reptile, je partage ma terrasse avec un couple de gecko rose saumon. Objectivement ce ne sont que des sales bêtes, mais d’une certaine façon je m’y attache.  Le soir quand je rentre j’aime bien les voir accrochés sur une poutre de la terrasse. D’ailleurs à ce propos dimanche je me suis énervé. Je faisais ma sieste sur un fauteuil de la terrasse, les geckos étaient devant moi à flâner sur la table, quand une espèce de gros lézard vert kaki s’est jeté sur un de mes deux protégés pour essayer de le manger. Résultat je l’ai chassé à grand coup de claquette !

Ma voisine m’a confié qu’on pouvait souvent voire un caméléon sur le baobab devant chez moi, pour le moment je ne l’ai pas vu !

Dimanche matin j’ai découvert en préparant mon petit déjeuner,  que pendant la nuit une araignée toute noire de la taille d’une main d’enfant avait eu la bonne idée de tisser une toile impressionnante sur ma terrasse. Pour vous donner  une idée de la bête, les fils de la toile ressemblaient  à de la ficelle à rôtie ! Courageux mais pas téméraires j’ai appelé  le gardien de la résidence, il m’a assuré que l’Arachné n‘était pas dangereuse il  fallait donc la laisser tranquille.  Quand le monstre s’est endormi j’ai réduit son ouvrage  à coup de balais pour exorciser mes craintes. Depuis je ne la vois plus ! 

Par contre tous les matins je dois passer dans un sentier  et sur la route, on doit passer sous une toile d’araignée géante tendue entre deux maisons habitées par  4 énormes araignées de la taille d’une main d’adulte cette fois-ci. Je peux vous assurer que le matin quand je passe à ce niveau je ne fais pas le malin, et j’ai même tendance à trottiner. Les gens disent qu’elles ne sont pas dangereuses… je veux bien, mais je n’ai quand même pas envie d’en avoir une qui me tombe sur la tête !

Comme toutes les villes du Tiers-Monde, les rues de FD sont peuplées de chiens errants. Bâtards issus d’une longue tradition de reproduction consanguine ils sont franchement laids. Des oreilles pointues qui pendent, un visage triangulaire, des couleurs …non à ce stade là on ne peut même pas dire que ce sont des couleurs ! Les femelles épuisées par des gestations à répétition, ont les mamelles qui touchent le sol ! En général ces chiens, bien que très laids, n’ennuient pas le passant, soit ils dorment en boule sous les rares voitures stationnées, soit ils errent à la recherche d’une maigre pitance pou tromper la faim. Cependant, hier midi, il s’est passé quelque chose d’assez violent. Je rentrais (repu !) du restaurant, devant moi il y avait un chien qui marchait piteusement la queue entre les jambes. En le voyant arrivé tous les chiens de la rue ont mugis, se sont redressés et lancés à sa poursuite. Ca aboyait dans tous les sens, ça courrait de partout vers la pauvre bête qui essayait désespérément de s’enfuir en clopinant. Je ne savais pas où me mettre, je devais bouger pour ne pas rester dans leur passage, mais il ne fallait pas que mes mouvements les excitassent davantage. Finalement, la pauvre bête s’est fait attrapé à la gorge par un molosse qui lui a broyé les cervicale et égorgé en un claquement de dent. Honnêtement c’est très choquant à voir !

Mais je ne voudrais pas vous effrayer et vous donner une trop mauvaise image de Mada. Fort Dauphin, est une ville coincée sur une presqu’ile. A gauche, la baie Dauphine ; devant, la Baie Monseigneur ; à droite, la baie des Galions – je ne sais pas pourquoi mais le simple fait d’écrire ces noms envoie l’imaginaire dans une autre dimension, un autre temps. Tous les matins  je dois monter une colline, et de cette colline on a une superbe vue sur la presqu’ile de FD. Hier matin, en contemplant 30 secondes le panorama avant de reprendre ma route, j’ai eu la chance inouïe de voire une énorme baleine à bosse se propulser hors de l’eau, sauter et retomber avec une légèreté qui ferait pâlir d’envie une danseuse étoile. 

La nature à Mada est âpres c’est indéniable, mais c’est tout le charme de l’ile. Elle ne se donne pas facilement, elle se mérite. Certes ce n’est pas marrant de côtoyer des monstres archnéïques, de se faire agresser par un lézard au réveil, ou d’être le témoin d’un meurtre canin, mais tout cela ne valait-il pas un saut de baleine à l’aube naissante ?