Je voudrais aujourd’hui vous parler d’une petite fille qui m’a beaucoup appris.
Le lendemain de mon arrivée à FD je suis allé me baigner.
Alors que je pataugeais heureux comme tout, une petite d’environ 10 ans, s’approche
de moi. « Bonjour Vazaha » me dit-elle. Je lui réponds et lui demande
son nom : « Zillia ». J’étais content de ce premier contact mais
je pensais ne jamais revoir cette Zillia.
En prenant le chemin « de la mine » le
lendemain, je vois la petite Zillia sur le bord de ma route et qui me gratifie
d’un joyeux « Bonjour Monsieur Jean ». Le soir et les jours suivant
il en allait de même.
Elle avait un tel sourire et un tel entrain que j’ai finit
par m’arrêter un soir pour papoter avec elle. Elle parle très bien le français
et est une vraie pipelette ; ça simplifie les conversations ! Dans la
conversation je lui glisse « où
habites-tu ? » et elle me répond très fièrement avec un grand geste
du bras vers la plage « Là, il est pas beau mon jardin ? ». Quand je lui ai demandé plus précisément où
elle dormait le soir elle m’a emmené chez elle : les toilettes publiques
de la plage ! Sur le coup j’étais horrifié de voir cette famille de 7
enfants (dont un nouveau né) ainsi que les grands-parents vivre dans ces
conditions. Comment peut-on tomber aussi bas ? Comment est-ce possible de
permettre ça ? A quoi servent les dons donnés aux ONG si on trouve des
humains réduit à une telle condition ?
Ca m’a beaucoup travaillé, puis j’ai cessé de réfléchir en
Occidental hygiéniste… D’un point de vue Malgache, cette famille qui vit dans
les toilettes publiques c’est les rois du pétrole ! Et oui vous m’avez
bien compris, ils ont chanceux de pouvoir vivre ici ! Comprenez-moi. Vivre
dans les toilettes publiques ca signifie avoir l’électricité (chose rare même
dans les villes), avoir l’eau courante à domicile (cela évite d’aller chercher
l’eau à la fontaine du quartier) mais surtout ils ont des sanitaires !
Quand on sait que même pas 10% de la population malgache a accès à des
sanitaires, et que ce manque est la cause de bien des épidémies mortelles ;
cette famille vivant dans les toilettes publiques, a plus de chance de survie
que celles vivant dans les bidonvilles. C’est dur de ne pas penser en
Européen !
Revenons à la petite Zillia…
Vous ai-je précisé que le père de la petite Zillia était
pêcheur ? Tous les matins, il part sur sa pirogue pour tenter de ramener à
manger pour sa grande famille. Pendant ce temps sa femme vend des colliers de
coquillages aux touristes.
La semaine dernière en rentrant chez moi, je l’ai vu faire
ses devoirs. Elle avait bien du mal à
tenir entre ses doigts un crayon en bois tellement il était usé. J’avais un stylo
publicitaire dans mon sac je lui ai donc
donné, si vous aviez vu la petite et ses parents… je leur aurai offert une
maison avec piscine c’était la même chose. Ils m’ont offert des colliers de
coquillage à profusion. J’étais super
gêné car ce crayon ne m’avait rien couté, alors que les colliers de coquillage
vendus aux touristes leur permettent de nourrir la famille. Mais pas moyen de
refuser ou je les aurais horriblement vexés. Cruelle situation…
Ce soir en rentrant à la maison, je me suis arrêté 5 minutes
sur le bord de la plage pour regarder la tempête qui mugissait au-dessus de la
baie des Galions. Je vois la petite Zillia qui s’approche et elle s’assoit à
coté de moi.
-« Qu’est ce que tu regardes ?
-« Je regarde la
mer c’est joli quand il y a du vent… Tu ne trouve pas ?
-« Non c’est pas joli puisque c’est dangereux et en
plus ça a empêché mon père d’aller
pêcher aujourd’hui »
Je pensais que contempler la furie des éléments était un
plaisir élémentaire et universel, « ça ne mange pas de pain ! »
Aujourd’hui, j’ai compris que prendre du plaisir à regarder une tempête c’était
aussi un luxe, une excentricité d’Européen…