mardi 22 octobre 2013

Un peu de politique, les élections présidentielles


Vivre des élections présidentielles dans un pays dit du « Tiers-Monde » est une expérience très enrichissante. Dire de la situation politique de Mada qu’elle est complexe serait un euphémisme. Je vais être honnête je n’ai  pas particulièrement étudié ce domaine, mais je pense que ce qui est entrain de se passer est très intéressant.

Les faits  (manière bien prétentieuse de vous exposer ce que j’ai cru comprendre de la situation) :
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           - Il y a un président au pouvoir, je n‘ai pas trop compris son statu. Certain disent que c’est un président illégitime, d’autres qu’il fait partie d’un gouvernement de transition, mis en place pour éviter une crise politique. (Je n’ai même pas cherché à démêler le  « vrai » du « faux »).

-       -   Les Malgaches sont unanimement d’accord sur ce point, ces élections sont inespérées. Apparemment cela ferait « quatre-cinq ans » (personne ne sait exactement) qu’on leur promet des élections présidentielles, mais qui sont constamment repoussées un mois avant les scrutins. Les Malgaches sont donc contents car les élections sont vendredis et elles sont toujours à l’ordre du jour. J’ai remarqué qu’ils aimaient à plaisanter entre eux sur la manière  dont les élections sont toujours reportées. Chez nous on dit « quand les poules auront des dents », à Mada c’est « quand il y aura des élections ».


-          -Vendredi prochain c’est le premier tour des élections. Vendredi prochain sera donc intégralement chômé. On m’a dit que les bars et restaurants étaient particulièrement visés par cette mesure. Le gouvernement veut ainsi éviter les attroupements, et surtout la vente d’alcool pour limiter au maximum les risques de débordements. Au fond ce n’est pas si bête, en France quand il y a des matchs de foot on devrait aussi interdire la vente d’alcool ; il y aurait moins de poubelles et voitures brulées…

-        -  Des candidats je ne peux pas vous en dire grand-chose. Certes il y a bien des affiches électorales placardées sur tous les murs de la ville, mais mon cerveau n’a pas eu le courage d’enregistrer les noms de famille malgaches, si réputés pour leur longueur. J’ai entendu parler d’un gros « cafouillage » au sujet des candidats. Apparemment il y avait 41 d’inscrits. Ici lorsque l’on va voter, le nom des candidats n‘est pas marqué sur le bulletin, c’est un numéro. Donc pour ces élections, les bulletins sont numérotés de 1 à 41. Les bulletins sont imprimés depuis des semaines, peut-être même des mois, et sont en place dans les bureaux de vote. Or les 8 derniers candidats de la liste (soit les numéros 33 à 41) se seraient désistés. Les bureaux de vote dans les grandes villes en ont été avertis, ils ont d’ores et déjà ôté les bulletins concernés. Cependant il est fortement à craindre que les bureaux de vote « en brousse », dépourvus d’électricité et de moyens de communication, ne reçoivent pas à temps l’information. Certains citoyens voteront donc pour des candidats qui ne sont plus en lice…

-         - Les Malgaches, tout du moins ceux avec qui j’ai discuté, sont extrêmement pessimistes. Certes ils se réjouissent de la tenue d’élection présidentielle après de longues années de crises politiques ; cependant ils ne se sentent pas du tout concernés, très peu ont l’intention d’aller voter. En France, c’est la même chose, il n’y a qu’à voire le taux d’absentéisme pour le constater, me direz-vous. Cependant je suis convaincu que le problème n’est pas le même. En effet, ici c’est le sud de l’ile ; zone mal desservie et isolée géographiquement du reste du pays ; Tana lieu de résidence du président c’est un autre pays… et ce n’est pas une hyperbole ! Bien qu’Etat-nation en théorie, Madagascar est  divisé en une quinzaine de peuple ayant tous des cultures, des traditions différentes, et entretenant tous des rivalités ancestrales avec leurs voisins. A FD je suis en territoire Antanosy (littéralement « ceux de l’ile ») ; Tana et sa région (si on soustrait le cosmopolitisme propre aux capitales) sont peuplées par les Mérinas (ca je ne sais pas ce que cela signifie !). Les Mérinas jouissent à Mada de la même réputation que Paris en province, cela vous donne une petite idée… Pis, dans certaines régions les Mérinas sont considérés comme fady, mot utilisé dans le vocabulaire religieux signifiant « tabou, délétère, malsain ». Mais cette dialectique est renforcée par le fait que tous les présidents Malgaches jusqu’à présent, sauf un, étaient d’ascendance Mérina. Des tentatives ont été faites pour stimuler une « conscience républicaine » chez les Antanosy. Un candidat, lors de son passage à FD, à demander à une star nationale, d’ascendance Antanosy, de faire un concert avant son intervention, pour se faire un électorat dans cette région vierge de toute tradition politique.

-         - Ni pesante, ni festive, il règne en ville une ambiance particulière. Les  rues de FD (qui ont été pavées et affublées d’égouts  quelques mois avant les élections…) sont parcourus par des gros 4x4 japonais, surmontés d’énormes enceintes diffusant des slogans politiques sur des aires de musique festive. C’est la « propagande » -synonyme de « campagne présidentielle » en français-malgache ! A la longue c’est fatiguant, ils font le tour de la ville en permanence. Mais comme c’est une petite ville j’ai l’impression qu’ils sont tout le temps dans notre rue. Le soir les élus locaux des différents partis politiques réunissent la population sur la place centrale (la Place de France !) pour les inciter à aller voter ce vendredi. Mais c’est aussi extrêmement bruyant, je suis à 5 minutes en taxi du centre ville, mais pourtant j’entends tout depuis ma chambre.

-        -  Et vendredi comment ca va se passer ? Les étrangers, les touristes, les expats et les membres du peuple Mérina  sont « officiellement et instamment priés » de ne pas sortir de chez eux de la journée.

-          -Ce qui me frappe le plus ce n’est pas l’ambiance festive voulue par les candidats, ni mêmes les campagnes qui promettent « des lendemains qui chantent », c’est la perte d’espoir dans la voix et le regard des gens. Personne ne rit aux éclats avant les élections, pas même en France, les enjeux sont trop importants, mais ici les regards sont habités par un profond désespoir. Les Malgaches se sentent pris au piège, enfermés dans une voie sans issue, prisonnier d’un destin qu’ils ne peuvent pas choisir. Aucune confiance dans l’avenir n’est visible; peu importe le vainqueur  ils savent que samedi midi ils auront toujours moins à manger que vendredi soir, c’est leur seule et unique certitude…

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