vendredi 27 décembre 2013

Noël sous les tropiques


Noël sous les tropiques c’est  une aventure humaine hors du commun.  En Occident on nous présente Noël comme un moment de l’année, où il est bon de se réunir  en famille, frileusement blotti au coin du feu à grignoter des friandises… Dans l’hémisphère sud, Noël marque le début de l’été, une véritable fête de l’abondance et de la vie. Laissez-moi-vous parler de cette fête si différente, de mon expérience…

Episode 1 : les courses de Noël.

Avec ma voisine, qui est expatriée, nous avions de grand projet pour Noël, faire en sorte que malgré la pauvreté le plus grand nombre puisse participer à la joie de Noël.  Nous avions donc ciblé notre action afin d’être plus efficace.

-les enfants de l’orphelinat construit sur la décharge publique de FD : Marillac.
-Les enfants de la plage de Libanona, les enfants des pêcheurs.
-Les familles d’un village de la brousse.

Nous avions donc beaucoup de monde à satisfaire, il fallait faire les courses en conséquence !

Nous voilà donc parti pour Tanambao, le grand marché de la ville, les poches plein de sous, prêt à faire des centaines d’heureux. Nous avons acheté des bonbons, des sucettes, des gâteaux, du riz, etc…  Comme il est d’usage dans les pays du Sud nous avons dû longuement marchander chacun de nos achats. Au début je pensais qu’en disant que nous achetions pour les plus défavorisés, cela nous aiderait à obtenir les meilleurs prix plus rapidement. Mais c’est l’effet inverse qui se produisait, les prix redevenaient exorbitant quand le vendeur comprenait que nous voulions donner aux enfants du pays. Pourquoi ? Car il n’y a aucune solidarité nationale et surtout aucune véritable identité malgache. Les gens sont rattachés à leur ethnie de naissance, qui les renvoie à leur statut social. Les pauvres sont les Antandroys, les commerçants sont d’origine indienne ou des hauts- plateaux.  Malgré une carte d’identité commune, ils se détestent cordialement. Et j’ai également cru comprendre, que les Malgaches les plus aisés détestaient que des Occidentaux viennent faire de l’ « humanitaire » dans leur pays. Chacun chez soi et les oies seront mieux gardées.

Episode 2 : le Noël de Marillac.

L’orphelinat de Marillac a été volontairement construit à coté de la décharge public de Fort-Dauphin, afin d’être  au plus proche des enfants qui y vivent. Cet orphelinat est tenu par un père Lazariste, il s’attache à donner une éducation de base aux enfants (lire, écrire, compter) et un repas chaud par jour ; en échange les enfants doivent contribuer au repas en apportant chacun un morceau de bois pour cuire le riz. Je trouve que cette démarche est très intéressante, car elle ne place pas les enfants dans une position d’assisté face à l’aide occidentale, mais l’incite à s’engager pour la mériter. Dans cette structure il y a 600 enfants et tous les jours un peu plus !

Sachant que nous allions venir avec des friandises pour les enfants, les professeurs de l’orphelinat  leur avaient fait préparer un spectacle.  A peine descendus du 4x4, les professeurs viennent nous accueillir et nous conduire à la salle où aura lieu le spectacle. Nous avons chacun une chaise au premier rang, les autres personnes doivent se contenter du sol…  Malgré leur extrême pauvreté, professeurs et élèves avaient tous fait en sorte de pouvoir revêtir leurs plus beaux costumes. Saynètes de l’histoire de Noël, chant malgaches et chants occidentaux ; tout étaient fait pour contribuer à créer l’atmosphère de Noël. L’une des saynètes,  était l’histoire d’Adam et Eve, mais à Mada ce n’est pas encore la saison des pommes, le fruit de la tentation était donc une mangue. Tout le spectacle fourmillait de petites adaptations, qui, pour l’Européen sont très plaisantes. Ce qui m’a fait le plus rire, c’est la chanson Petit papa Noël. En effet, il faisait une chaleur pas possible, j’agitais un livre pour avoir un peu d’air lorsque les enfants  du CM2  ont chanté la phrase « mais avant de partir il faudra bien te couvrir/dehors tu vas avoir si froid ». C’est vrai que Noël est très européanocentrée, il est impossible de trouver des chansons qui parlent de l’été et de Noël. Après le spectacle, les enfants ont tous été réuni dans la cour. Bien rangés face au drapeau de Madagascar, les 600 enfants, au garde-à-vous, ont chanté l’hymne national. Quand nous avons ouvert le coffre du 4x4, remplit de biscuits et friandises, il fallait voir leur tête… Des yeux grands comme des soucoupes et la mâchoire tombante, il n’y croyait pas ! Une gamine malgré tout reste dans son coin les yeux perdus dans le vide, tenant sa petite sœur sanglotante par la main. Le père m’explique que la semaine dernière ses parents et tous ses frères ont été assassinés par des bandits sous ses yeux… Même en faisant notre possible nous ne pourront jamais améliorer la vie de certains gamins

Episode 3 : une pause bien méritée, Noël d’expat’

Je suis allé passer le réveillon de Noël dans un très beau restaurant qui proposait un buffet de Noël. Sushis  à la langouste, gigot de 7heures, langouste flambée au rhum, brochettes de crevettes, pinces de crabe à la menthe, filet d’espadon, purée d’igname ; crumble de la passion, tarte au citron, fondant au chocolat, crêpes à la framboise, tiramisu, salade de fruit, pana cotta à la vanille, et j’en oublie, mais tout ça pour dire que le repas était excellent ! Le lendemain après la messe, je suis allé me baigner dans la mer (l’eau était à 30°, exceptionnel pour un 25 décembre non ?! ;) ) pour digérer mes excès de la veille. Pour le repas de midi j’ai fait plus « simple », en sortant de l’eau j’ai mangé une langouste grillée sur la plage…

Episode 4 : la messe

La messe de Noël était très incertaine. En effet la messe de minuit a été annulée en raison des élections par mesure de sécurité, et la rumeur voulait que la messe du matin soit également annulée. J’ai tenté ma chance, la messe avait bien lieu et c’eut été un tord de la manquer…  Des guirlandes de fleurs traversaient la nef ; un cocotier avait été installé dans le chœur et complètement orné de boules et guirlandes ! Tous les idèles s’étaient mis sur leur 31 comme on dit ! Toutes les femmes avaient des robes de princesse Disney : couleurs vives, avec des froufrous, des grosses fleurs en tissus, et de la meringue partout. Certaines femmes avaient même dans les cheveux des diadèmes ! Le tout était homogène et terriblement kitsch mais très dépaysant. A la fin de la messe, les filles de la Charité vendaient des buches de Noël à la vanille et à l’ananas au profit des vieillards de la brousse,  et donnaient des bonbons à tous les enfants, moi y compris !

Episode 5 : la brousse

Les filles de la Charité viennent en aide à un village dans la brousse.  Aller dans la brousse même pour quelques heures c’est toute une expédition. Le truc avec la brousse c’est qu’on sait quand on part mais pas quand on revient ; l’état des routes, l’insécurité avec les hordes de Dahal (bandits de grands chemins) et le manque de repère rend l’heure du retour aléatoire. Nous sommes partis avec deux 4x4 remplis de provisions et d’eau à offrir aux familles vivant dans la brousse. IL faut que vous compreniez quelque chose sur la brousse, c’est inimaginable pour un Européen. C’est une vaste étendue d’herbe rase, de cactus, de petits buissons et de poussière. Il n’y a pas de murs mais c’est un vrai labyrinthe, impossible de s’y repérer à moins d’y aller avec un guide chevronné. Je vous entends d’ici dire « la brousse c’est vraiment pommé », non ce n’est pas pommé. Fort-Dauphin c’est pommé, Saint-Etienne de Montluc c’est pommé ;) , mais la brousse ca n’existe pas. C’est un non –lieu, un désert civilisationnel, la brousse c’est une absence. Pour vous donner un exemple, aucune carte n’a jamais été dressée depuis la colonisation de la brousse, la population n‘a pas d’état civil, elle n’existe pas… Les habitants ne parlent même pas malgache mais une sorte de dialectes aux fortes consonances arabes. A mi chemin, nous sommes arrêtés par des hommes avec des machettes, serait-ce les Dahals ? Nous nous arrêtons, le guide explique notre raison d’être, glisse un billet et nous pouvons passer sans encombre. 

Nous arrivons au village. Une dizaine de petites cases, éparpillées. Elles sont si petites qu’un homme ne peut s’y tenir debout. De loin, elles ont la forme de tente faites de sacs plastiques et branches de buissons tressées. Tous les villageois sont vêtus de haillons, tout le monde est sale, l’odeur est assez forte. Dès que nous sortons du 4x4 une nuée de gamin vient nous serrer la main. Pendant que les provisions sont sorties du 4*4 et  reparties en petit colis pour chaque famille, les enfants nous chante des chansons de Noël, je ne peux réprimer mes rires lorsqu’ils chantent «Vive le vent d’hiver » c’est tellement anachronique ! Chaque chef de famille est appelé un par un pour récupérer son colis : un kilo de pâte, de farine, de sucre et de haricots rouges, 500 grammes de viande, un bol d’huile, un savon, un paquet de gâteau et un verre de riz par membre de la famille.
Afin de simplifier la distribution, nous avions demandé à chaque chef de famille de venir chercher son colis de Noël avec un sac pour le mettre. Seul le chef du village est arrivé avec un sac plastique, les autres n’en avaient même pas, ils ont donc retirés leur t-shirt pour faire un ballotin de fortune… Nous avions également acheté des sucettes, des sifflets, des bonbons et petits gâteaux au chocolat pour chacun des enfants. Une surprise était également prévue pour tous les gamins du village un beau ballon de foot, ils étaient ravis !

Episode 6 : le goûter des enfants de Libanona

En bas de chez moi, sur la plage de Libanona, il y a une douzaine de gamin qui vivent à l’ombre des cocotiers. Leurs parents vivent tous de la pêche et de la vente de collier de coquillage. Ce sont des enfants très gentils mais livrés à eux-mêmes. Leurs parents sont alcooliques et les battent quotidiennement. Nous avions donc décidé pour Noël de faire quelque chose pour eux. Ce sont des enfants sous-nourrit et infesté de parasite. Avec l’aide d’une médecine occidentale, nous leur avons donc financé un traitement de 3 jours, contre la sous-nutrition et les verres.  Le troisième jour, coïncidait avec Noël, nous leur avions donc promis que s’il faisait bien leur traitement, un gouter de Noël serait offert. Le jour venu, nous leur avons prêté des beaux vêtements pour qu’ils puissent aller à la messe de Noël dans une tenue décente. Les filles étaient toutes fières de se mettre du parfum, des barrettes et de tournoyer dans leurs robes de princesse.
L’après midi nous leur avions donné rendez-vous sur la terrasse de ma voisine. Coca, Orangina, bonbons, gâteaux et pour leur première fois ils ont pu manger du chocolat !
Ensuite il y avait la distribution des cadeaux : Playmobiles pour les garçons, Barbies pour les filles et pour le petit de 1 an, un beau slip Spiderman. Il fallait le voir défiler fier comme Artaban avec son slip Spiderman sur la tête !

Noël sous les tropiques est une très belle fête. Noël en Occident est une fête d’intérieure, à Mada c’est une fête d’extérieure.Au début je craignais d’avoir le cafard, ou de regretter le froid si attaché à cette époque,  il n’en a été rien. J’ai vécu une très une très belle aventure !

vendredi 20 décembre 2013

…Le … rythme … de… vie…


Aujourd’hui est le jour du deuxième scrutin présidentiel, me voilà donc cloîtré à la maison pour 24 heures. Sécurité oblige…

Je profite donc de cette oisiveté imposée pour rattraper le retard et  alimenter mon blog.
Il est un sujet dont j’aurais du traiter il y a bien longtemps de cela, le rythme de vie. Je pense que c’est le facteur contribuant le plus au dépaysement de l’Occidental, touriste ou expat, de passage à Madagascar.
Avant mon départ, on m’avait conseillé de retenir l’axiome malgache « mora mora » (moura moure), littéralement « tranquillement/ doucement ». Le proverbe enfantin « cool Raoul », me semble plus adapté comme traduction. Plus qu’une simple devise qu’on écrit dans les guides touristiques pour l’exotisme, il s’agit d’un véritable art de vivre. Ce que « inch’Allah » est au Maghreb, « mora mora » est à Madagascar, indissociable.

Il n’y a pas d’électricité le soir en rentrant à la maison ? « Mora mora ». Le courrier n’est pas arrivé aujourd’hui ? « Mora mora ». J’attends 1H30 mon plat au restaurant ? « Mora mora ».

« Mora mora » est la réponse  donnée à tout ce qui n’est pas explicable pour /à un Occidentale. Pour un Français, continuellement dans le rush, à courir après son bus, à voler de réunion en congrès, d’activités périscolaires en préparations de kermesse, ce concept est incompréhensible.

Au premier abord cet art de vivre est plaisant, il donne le ton. Madagascar est une ile paradisiaque, un parfum de vacance plane sur ses plages, à quoi bon se prendre la tête !? Puis au bout de quelques semaines, l’exotisme est remplacé par l’agacement. « J’ai commandé il y a une demi-heure une bouteille d’eau, pourquoi n’est-elle pas arrivée ?! ». « Mora mora ». Enfin la lassitude et la résignation s’installent. « A quoi bon !? »

« Mora mora » a envahit tous les aspects de la vie quotidienne, transformant Madagascar en un lieu d’atemporalité. Ici l’attente est un art de vivre, presqu’un plaisir (sadique). Quelques exemples concrets vous aideront à saisir le phénomène. Quand un serveur vous annonce que votre rhum arrangé sera prêt « dans deux minutes missy », vous pouvez y ajouter un 0 et vous avez l’heure ! Quand la poste annonce que le bureau ouvre le matin à 8h, il faut comprendre : « l’employé partira de chez lui à 8h ». Ainsi l’ouverture est proportionnelle à l’éloignement du domicile du guichetier du bureau de poste. Quand le même bureau de poste annonce une fermeture à 12h, cela signifie réellement que le guichetier sera chez lui à midi, à vous de faire le calcul ! 

Il faut également que vous compreniez, que si le système de mesure du temps est le même qu’Europe, le temps n’a pas la même valeur. Ainsi la journée n’a pas la même amplitude dans ce coin du globe. La vie commence le matin à 4H et se termine le soir à 18h. Mais ces heures n’ont pas la même portée qu’en France. Par exemple quand la poste annonce une ouverture à 8h du matin, ce n’est pas le même 8h qu’en France. Par rapport au rythme de vie il s’agit plus d’un 10h français ! De même quand je décris ma soirée à un Malgache en lui disant que je me suis couché à 22H, il me demande si j’ai des insomnies ou des troubles du sommeil qui explique un couché si tardif !

La langue malgache est véhiculaire de cette nonchalance. Ce n’est pas une langue qui claque comme un fouet, qui dévale en cascades ; disons qu’il s’agit d’un ruisseau de plaine.  Quand en France un simple « oui », suffit à marquer l’approbation, à Mada il faut attendre  le temps d’un « èèèèèèèkkaaaaaaaa ».

Dans les rues, « mora mora » est roi. Le bruit des savates qui frottent nonchalamment le goudron résonne contre les murs. Parfois une femme assise devant son « étale » de litchi ouvre la bouche et articule péniblement « liiitchiéééééééééé ». Un homme marche, puis d’un coup s’étale de tout son long à l’ombre d’un mur et commence une sieste. C’est un spectacle véritablement étrange que de marcher aux heures les plus chaudes dans le centre ville. L’ « agitation » a disparu, tout le monde dort, ronfle et grogne. Les bébés sont posés sur des feuilles de bananiers à l’ombre d’un muret, les enfants dorment sous les taxis stationnés, et les femmes, enroulées dans leurs paréos, dorment sur le goudron ou contre un zébu qui rumine paisiblement.

A Madagascar, l’instant n’existe pas ; tout est une question de durée. Certains y verraient une raison au sous-développement, personnellement j’y vois un reste de la nonchalance coloniale.

mercredi 11 décembre 2013

Les professeurs


Comme j’ai le BAFA, on m’avait proposé d’animer une formation d’art plastique pour les professeurs de FD.

Le jour venu, quand je me suis retrouvé face à cette quarantaine de professeurs d’un certains âges j’ai eu de gros doutes. Moi jeune Français qui viens éduquer les professeurs du coin,… Je me disais intérieurement « au mieux ils vont me prendre pour un débile de croire leur apprendre à faire du bricolage, au pire ils vont tous partir énervés de s’être déplacés pour rien » 

Dans ma tête la formation que je proposais ce n’était pas pour leur apprendre quoique ce soit, mais c’était plus dans l’optique « ce que vous avez pu faire étant gamin, il faut que vous reproduisiez ça dans vos classes »

J’ai débuté la formation en leur proposant de faire des guirlandes de papiers pour Noël, vous savez il faut découper des bandes de papier et ensuite les attacher ensemble de façon à faire une sorte de chaine.  Je pensais que ça serait une activité toute simple, histoire de s’échauffer avant de passer aux choses sérieuses, sorte de mise en bouche. 

Au début de l’activité je donne la consigne « il faut découper des bandes de papier de 2cm de large ». Ils me regardent tous avec des yeux de merlan frit, ils ne bougent pas d’un pouce. Je lance « allez-y au travail », pas de réaction, … Je décide de commencer à découper mes bandes de papiers pour donner le mouvement, et rien ! C’est là que je comprends qu’ils ne savaient pas couper du papier avec des ciseaux ! Ce qui devait être un atelier de guirlande de Noël s’est finalement, transformé en atelier « je découpe le papier en suivant le trait » !

Mesurant les lacunes techniques des professeurs j’ai compris la gravité de la situation et aie du baisser les ambitions de mon programme d’activité. L’activité suivante s’est donc transformée en atelier coloriage «  je dessine une maison, et je la colorie sans dépasser ni laisser de blanc ». Après j’ai du leur apprendre que lorsqu’on utilise un feutre ou de la colle, il faut remettre le bouchon, « sinon ça sèche ».

Ils étaient tous très impliqués dans la formation, et avaient une vraie soif d’apprendre. Nous avons donc fait des pliages (chapeau, bateau et salière), des colliers de perles, des œufs de Pâques, des drapeaux malgaches et des masques. L’activité masque a connu un succès inattendu.  Je leur ai proposé de mettre leurs mains à plat sur des feuilles cartonnées, d’en dessiner le contour pour faire les masques. Ils se sont tous amusés comme des fous ! Par contre cette activité a révélé deux autres problèmes de taille ! 

  • ·         60% des profs ne parvenaient pas à écarter leurs doigts les uns des autres simultanément ! J’ai donc été obligé de leur dire de se scotcher les doigts sur le papier pour les tenir écartés.
  • ·         Autres problèmes de taille comment expliquer aux personnes mutilées des mains, qu’en conséquence leur masque de pieuvre ne pourra avoir 10 tentacules mais que 7…
Un petit détail lors de cette activité masque m’a beaucoup amusé, même si a bien à y réfléchir c’est dramatique. J’avais dessiné au tableau des masques que je décorais au fil de mon inspiration. Il y en avait un que j’avais orné d’une foule d’hermine multicolore. Les quarante professeurs ont reproduit exactement le même motif. Une des professeures présentes s’est même excusée, car elle n’avait pas eu la place de mettre le même nombre d’hermine que moi, il en manquait deux ! Mon coté Breton était très content de la tournure de cette activité, j’avais « appris », malgré moi, à cette quarantaine de Malgache à dessiner des hermines ! Et je suis sur que lorsqu’ils vont mettre en pratique ces activités dans leurs classes, tous leurs élèves vont apprendre à faire des hermines. Mais au fond ça révèle leur incapacité à faire preuve d’imagination et à réaliser par eux-mêmes et c’est triste !

Tout ce que j’ai écrit ci-dessus je ne le dis pas méchamment, j’avais l’impression d’être instituteur en petite section. Ces professeurs parlent très bien français, sont très compétents dans les autres matières et surtout très dévoués envers leurs élèves, mais la formation que j’ai dispensée était aussi improbable à leurs yeux que si on demandait du jour au lendemain aux professeurs de mathématiques d’enseigner le chinois. Je ne vous ai pas raconté tout cela pour me moquer d’eux, mais juste pour vous montrer que le « sous-développement » ce n’est pas forcément vivre dans une case et ne rien manger de la journée, mais c’est surtout la difficulté à véhiculer l’information et l’absence de socle culturel commun avec l’Occident.

Ce que vous devez retenir des professeurs Malgaches c’est leur dévouement envers la cause professorale, qui frôle avec l’héroïsme

Ils sont tellement convaincus, et avec raisons, du bien fondé de leur Mission que tous les moyens sont bons. Je parlais avec une institutrice de CP, elle n’a pas de tableau dans sa classe du coup elle écrit tout ses cours avec son doigt sur la poussière du sol ! C’est ainsi qu’on apprend à lire et à écrire dans le Tiers-monde. Et il faut être conscient également que la majorité des professeurs reçoivent pour tout salaire un sac de riz et un litre d’huile par mois !

Plusieurs choses m’ont frappé au cours de cette journée. C’était touchant de voir les professeurs d’une cinquantaine d’année pleurer littéralement de joie quand ils ont fait pour la première fois leur bateau en papier ; c’était touchant de voire les maitresses faire du coloriage avec une attention inégalée comme si le sort du monde en dépendait ; mais surtout la plus belle récompense a été à la fin de la journée. Il fallait les voir emballer avec beaucoup d’attention et de fierté leurs bricolages de la journée pour les montrer à leur famille. Ils sont tous venus me remercier et un vieux monsieur m’a dit « merci beaucoup pendant une journée j’ai eu l’impression de devenir un VRAI enfant » …
 Les fameux masques avec des hermines en cours de réalisation
 Atelier œuf de Paques

mardi 3 décembre 2013

Faire ses courses épisode 1 ; un détour par Tanamboa


A Fort-Dauphin, ce n‘est pas le marché de Padipado, mais Tanamboa (Ta’nambô). Tanamboa est le marché de la ville, situé à 2km de la mairie, il a pris une telle ampleur qu’il est devenu une ville à part entière.

Aller à Tanamboa, c’est comme aller en brousse, c’est partir à la découverte d’un nouveau monde fascinant et grouillant. Vu de loin Tanamboa n’est qu’un amas de  tôles rouillées, une sorte  de dépotoir industriel ; mais s’en approcher s’est plonger dans une fourmilière. L’organisation interne du marché répond malgré tout à une logique. Au centre, vous avez une église catholique en béton construite dans les années 70, à droite vous avez le matériel ménager, à gauche le matériel électronique, devant les fripes, et derrière l’alimentaire.

C’est bien simple à Tanamboa on trouve tout, les contrefaçons chinoises d’ipods vendues à coté d’authentiques blackberry, d’imposants tables en bois précieux sculptées à la demande, des paniers de pierres semi-précieuses, des tas de bananes de la hauteur d’un homme. 

Il y a deux choses que j’aime particulièrement à Tanamboa, les fripes et la rue des bouchers. Les fripes s’est fascinant ! D’immenses tas de vêtements sont déposés sur des nattes en rafia  ou des feuilles de bananiers. Il y a une pile chemise, une pile pantalon, une pile sous-vêtement. Il faut repérer précisément la pile du vêtement que vous cherchez. A force d’ingéniosité, de courage et de beaucoup de patience  il faut se frayer une place dans la foule grouillante et bavarde, puis défendre sa position bec et ongle face aux mégères qui  viennent habiller leurs rejetons et maris. Aux fripes il n’y a pas l’ombre d’une contrefaçon, ce sont d’authentiques chemises Pierre Cardin et t-shirts Hollister. Pourquoi ? Ce sont tous les vêtements  dont les Occidentaux ne veulent plus, qui sont donnés à d’obscures associations. Les vêtements récoltés circulent dans d’obscures réseaux avec l’étiquette « recyclage » ou « humanitaire » et sont revendus dans les marchés du Tiers-monde. C’est grâce à cette « mafia », notamment, qu’on peut voir à FD des gens habillés d’un t-shirt « guide officiel de l’abbaye du Mont Saint Michel », « Leclerc », « école d’ingénieurs de Grenoble  promotion 2010» et  comble de la coïncidence j’ai vu une serveuse avec un tablier Trinitaine !    

Dans la rue des bouchers il vaut mieux avoir le cœur bien accroché et des chaussures fermées et imperméables, à moins que marcher dans le sang de zébu soit votre occupation favorite ! Quand on vient de bonne heure on peut voir les zébus se faire égorger au couteau et les chèvres décapiter à la hache. Plus tard dans la matinée votre nez occidental sera assailli par les odeurs de sang caillé, de peaux fermentés et de viscères en décomposition. Les filets de viande sont posés en rosace sur des grandes assiettes blanches, les morceaux moins recherchés sont posés directement sur l’étale en bois. Derrière l’étale, la carcasse d’un zébu est suspendue au plafond par un clou rouillé, la tête de la défunte bête traine sur la poussière du sol. Le boucher, un homme costaud, manie avec dextérité un grand couteau, mêlant sa sueur au sang du zébu. Dans le coin un jeune apprenti, sans doute son fils, hache de la viande, un morceau tombe par terre, ni vu ni connu il est remis dans le hachoir. Mais ce qui est frappant ici ce sont les mouches ; leur nombre crée un bourdonnement sourd et régulier. La femme du boucher, qui fait constamment le ménage « par mesure d’hygiène », agite sa serpillère ou son balai au dessus de la viande quand un client potentiel passe. Soudainement la viande prend vie, elle s’envole dans tous les sens, et passe du noir charbon au rouge vif : la colonie de mouche est repoussée le temps d’un instant.

Tanambao c'est authentique, exotique, inimitable mais surtout incontournable. On ne peut prétendre venir à Mada sans faire un détour par ce lieu haut en couleur!