vendredi 27 décembre 2013

Noël sous les tropiques


Noël sous les tropiques c’est  une aventure humaine hors du commun.  En Occident on nous présente Noël comme un moment de l’année, où il est bon de se réunir  en famille, frileusement blotti au coin du feu à grignoter des friandises… Dans l’hémisphère sud, Noël marque le début de l’été, une véritable fête de l’abondance et de la vie. Laissez-moi-vous parler de cette fête si différente, de mon expérience…

Episode 1 : les courses de Noël.

Avec ma voisine, qui est expatriée, nous avions de grand projet pour Noël, faire en sorte que malgré la pauvreté le plus grand nombre puisse participer à la joie de Noël.  Nous avions donc ciblé notre action afin d’être plus efficace.

-les enfants de l’orphelinat construit sur la décharge publique de FD : Marillac.
-Les enfants de la plage de Libanona, les enfants des pêcheurs.
-Les familles d’un village de la brousse.

Nous avions donc beaucoup de monde à satisfaire, il fallait faire les courses en conséquence !

Nous voilà donc parti pour Tanambao, le grand marché de la ville, les poches plein de sous, prêt à faire des centaines d’heureux. Nous avons acheté des bonbons, des sucettes, des gâteaux, du riz, etc…  Comme il est d’usage dans les pays du Sud nous avons dû longuement marchander chacun de nos achats. Au début je pensais qu’en disant que nous achetions pour les plus défavorisés, cela nous aiderait à obtenir les meilleurs prix plus rapidement. Mais c’est l’effet inverse qui se produisait, les prix redevenaient exorbitant quand le vendeur comprenait que nous voulions donner aux enfants du pays. Pourquoi ? Car il n’y a aucune solidarité nationale et surtout aucune véritable identité malgache. Les gens sont rattachés à leur ethnie de naissance, qui les renvoie à leur statut social. Les pauvres sont les Antandroys, les commerçants sont d’origine indienne ou des hauts- plateaux.  Malgré une carte d’identité commune, ils se détestent cordialement. Et j’ai également cru comprendre, que les Malgaches les plus aisés détestaient que des Occidentaux viennent faire de l’ « humanitaire » dans leur pays. Chacun chez soi et les oies seront mieux gardées.

Episode 2 : le Noël de Marillac.

L’orphelinat de Marillac a été volontairement construit à coté de la décharge public de Fort-Dauphin, afin d’être  au plus proche des enfants qui y vivent. Cet orphelinat est tenu par un père Lazariste, il s’attache à donner une éducation de base aux enfants (lire, écrire, compter) et un repas chaud par jour ; en échange les enfants doivent contribuer au repas en apportant chacun un morceau de bois pour cuire le riz. Je trouve que cette démarche est très intéressante, car elle ne place pas les enfants dans une position d’assisté face à l’aide occidentale, mais l’incite à s’engager pour la mériter. Dans cette structure il y a 600 enfants et tous les jours un peu plus !

Sachant que nous allions venir avec des friandises pour les enfants, les professeurs de l’orphelinat  leur avaient fait préparer un spectacle.  A peine descendus du 4x4, les professeurs viennent nous accueillir et nous conduire à la salle où aura lieu le spectacle. Nous avons chacun une chaise au premier rang, les autres personnes doivent se contenter du sol…  Malgré leur extrême pauvreté, professeurs et élèves avaient tous fait en sorte de pouvoir revêtir leurs plus beaux costumes. Saynètes de l’histoire de Noël, chant malgaches et chants occidentaux ; tout étaient fait pour contribuer à créer l’atmosphère de Noël. L’une des saynètes,  était l’histoire d’Adam et Eve, mais à Mada ce n’est pas encore la saison des pommes, le fruit de la tentation était donc une mangue. Tout le spectacle fourmillait de petites adaptations, qui, pour l’Européen sont très plaisantes. Ce qui m’a fait le plus rire, c’est la chanson Petit papa Noël. En effet, il faisait une chaleur pas possible, j’agitais un livre pour avoir un peu d’air lorsque les enfants  du CM2  ont chanté la phrase « mais avant de partir il faudra bien te couvrir/dehors tu vas avoir si froid ». C’est vrai que Noël est très européanocentrée, il est impossible de trouver des chansons qui parlent de l’été et de Noël. Après le spectacle, les enfants ont tous été réuni dans la cour. Bien rangés face au drapeau de Madagascar, les 600 enfants, au garde-à-vous, ont chanté l’hymne national. Quand nous avons ouvert le coffre du 4x4, remplit de biscuits et friandises, il fallait voir leur tête… Des yeux grands comme des soucoupes et la mâchoire tombante, il n’y croyait pas ! Une gamine malgré tout reste dans son coin les yeux perdus dans le vide, tenant sa petite sœur sanglotante par la main. Le père m’explique que la semaine dernière ses parents et tous ses frères ont été assassinés par des bandits sous ses yeux… Même en faisant notre possible nous ne pourront jamais améliorer la vie de certains gamins

Episode 3 : une pause bien méritée, Noël d’expat’

Je suis allé passer le réveillon de Noël dans un très beau restaurant qui proposait un buffet de Noël. Sushis  à la langouste, gigot de 7heures, langouste flambée au rhum, brochettes de crevettes, pinces de crabe à la menthe, filet d’espadon, purée d’igname ; crumble de la passion, tarte au citron, fondant au chocolat, crêpes à la framboise, tiramisu, salade de fruit, pana cotta à la vanille, et j’en oublie, mais tout ça pour dire que le repas était excellent ! Le lendemain après la messe, je suis allé me baigner dans la mer (l’eau était à 30°, exceptionnel pour un 25 décembre non ?! ;) ) pour digérer mes excès de la veille. Pour le repas de midi j’ai fait plus « simple », en sortant de l’eau j’ai mangé une langouste grillée sur la plage…

Episode 4 : la messe

La messe de Noël était très incertaine. En effet la messe de minuit a été annulée en raison des élections par mesure de sécurité, et la rumeur voulait que la messe du matin soit également annulée. J’ai tenté ma chance, la messe avait bien lieu et c’eut été un tord de la manquer…  Des guirlandes de fleurs traversaient la nef ; un cocotier avait été installé dans le chœur et complètement orné de boules et guirlandes ! Tous les idèles s’étaient mis sur leur 31 comme on dit ! Toutes les femmes avaient des robes de princesse Disney : couleurs vives, avec des froufrous, des grosses fleurs en tissus, et de la meringue partout. Certaines femmes avaient même dans les cheveux des diadèmes ! Le tout était homogène et terriblement kitsch mais très dépaysant. A la fin de la messe, les filles de la Charité vendaient des buches de Noël à la vanille et à l’ananas au profit des vieillards de la brousse,  et donnaient des bonbons à tous les enfants, moi y compris !

Episode 5 : la brousse

Les filles de la Charité viennent en aide à un village dans la brousse.  Aller dans la brousse même pour quelques heures c’est toute une expédition. Le truc avec la brousse c’est qu’on sait quand on part mais pas quand on revient ; l’état des routes, l’insécurité avec les hordes de Dahal (bandits de grands chemins) et le manque de repère rend l’heure du retour aléatoire. Nous sommes partis avec deux 4x4 remplis de provisions et d’eau à offrir aux familles vivant dans la brousse. IL faut que vous compreniez quelque chose sur la brousse, c’est inimaginable pour un Européen. C’est une vaste étendue d’herbe rase, de cactus, de petits buissons et de poussière. Il n’y a pas de murs mais c’est un vrai labyrinthe, impossible de s’y repérer à moins d’y aller avec un guide chevronné. Je vous entends d’ici dire « la brousse c’est vraiment pommé », non ce n’est pas pommé. Fort-Dauphin c’est pommé, Saint-Etienne de Montluc c’est pommé ;) , mais la brousse ca n’existe pas. C’est un non –lieu, un désert civilisationnel, la brousse c’est une absence. Pour vous donner un exemple, aucune carte n’a jamais été dressée depuis la colonisation de la brousse, la population n‘a pas d’état civil, elle n’existe pas… Les habitants ne parlent même pas malgache mais une sorte de dialectes aux fortes consonances arabes. A mi chemin, nous sommes arrêtés par des hommes avec des machettes, serait-ce les Dahals ? Nous nous arrêtons, le guide explique notre raison d’être, glisse un billet et nous pouvons passer sans encombre. 

Nous arrivons au village. Une dizaine de petites cases, éparpillées. Elles sont si petites qu’un homme ne peut s’y tenir debout. De loin, elles ont la forme de tente faites de sacs plastiques et branches de buissons tressées. Tous les villageois sont vêtus de haillons, tout le monde est sale, l’odeur est assez forte. Dès que nous sortons du 4x4 une nuée de gamin vient nous serrer la main. Pendant que les provisions sont sorties du 4*4 et  reparties en petit colis pour chaque famille, les enfants nous chante des chansons de Noël, je ne peux réprimer mes rires lorsqu’ils chantent «Vive le vent d’hiver » c’est tellement anachronique ! Chaque chef de famille est appelé un par un pour récupérer son colis : un kilo de pâte, de farine, de sucre et de haricots rouges, 500 grammes de viande, un bol d’huile, un savon, un paquet de gâteau et un verre de riz par membre de la famille.
Afin de simplifier la distribution, nous avions demandé à chaque chef de famille de venir chercher son colis de Noël avec un sac pour le mettre. Seul le chef du village est arrivé avec un sac plastique, les autres n’en avaient même pas, ils ont donc retirés leur t-shirt pour faire un ballotin de fortune… Nous avions également acheté des sucettes, des sifflets, des bonbons et petits gâteaux au chocolat pour chacun des enfants. Une surprise était également prévue pour tous les gamins du village un beau ballon de foot, ils étaient ravis !

Episode 6 : le goûter des enfants de Libanona

En bas de chez moi, sur la plage de Libanona, il y a une douzaine de gamin qui vivent à l’ombre des cocotiers. Leurs parents vivent tous de la pêche et de la vente de collier de coquillage. Ce sont des enfants très gentils mais livrés à eux-mêmes. Leurs parents sont alcooliques et les battent quotidiennement. Nous avions donc décidé pour Noël de faire quelque chose pour eux. Ce sont des enfants sous-nourrit et infesté de parasite. Avec l’aide d’une médecine occidentale, nous leur avons donc financé un traitement de 3 jours, contre la sous-nutrition et les verres.  Le troisième jour, coïncidait avec Noël, nous leur avions donc promis que s’il faisait bien leur traitement, un gouter de Noël serait offert. Le jour venu, nous leur avons prêté des beaux vêtements pour qu’ils puissent aller à la messe de Noël dans une tenue décente. Les filles étaient toutes fières de se mettre du parfum, des barrettes et de tournoyer dans leurs robes de princesse.
L’après midi nous leur avions donné rendez-vous sur la terrasse de ma voisine. Coca, Orangina, bonbons, gâteaux et pour leur première fois ils ont pu manger du chocolat !
Ensuite il y avait la distribution des cadeaux : Playmobiles pour les garçons, Barbies pour les filles et pour le petit de 1 an, un beau slip Spiderman. Il fallait le voir défiler fier comme Artaban avec son slip Spiderman sur la tête !

Noël sous les tropiques est une très belle fête. Noël en Occident est une fête d’intérieure, à Mada c’est une fête d’extérieure.Au début je craignais d’avoir le cafard, ou de regretter le froid si attaché à cette époque,  il n’en a été rien. J’ai vécu une très une très belle aventure !

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