A Fort-Dauphin, ce n‘est pas le marché de Padipado, mais
Tanamboa (Ta’nambô). Tanamboa est le marché de la ville, situé à 2km de la
mairie, il a pris une telle ampleur qu’il est devenu une ville à part entière.
Aller à Tanamboa, c’est comme aller en brousse, c’est partir
à la découverte d’un nouveau monde fascinant et grouillant. Vu de loin Tanamboa
n’est qu’un amas de tôles rouillées, une
sorte de dépotoir industriel ; mais
s’en approcher s’est plonger dans une fourmilière. L’organisation interne du
marché répond malgré tout à une logique. Au centre, vous avez une église
catholique en béton construite dans les années 70, à droite vous avez le
matériel ménager, à gauche le matériel électronique, devant les fripes, et
derrière l’alimentaire.
C’est bien simple à Tanamboa on trouve tout, les
contrefaçons chinoises d’ipods vendues à coté d’authentiques blackberry,
d’imposants tables en bois précieux sculptées à la demande, des paniers de
pierres semi-précieuses, des tas de bananes de la hauteur d’un homme.
Il y a deux choses que j’aime particulièrement à Tanamboa, les
fripes et la rue des bouchers. Les fripes s’est fascinant ! D’immenses tas
de vêtements sont déposés sur des nattes en rafia ou des feuilles de bananiers. Il y a une pile
chemise, une pile pantalon, une pile sous-vêtement. Il faut repérer précisément
la pile du vêtement que vous cherchez. A force d’ingéniosité, de courage et de
beaucoup de patience il faut se frayer
une place dans la foule grouillante et bavarde, puis défendre sa position bec
et ongle face aux mégères qui viennent
habiller leurs rejetons et maris. Aux fripes il n’y a pas l’ombre d’une contrefaçon,
ce sont d’authentiques chemises Pierre Cardin et t-shirts Hollister.
Pourquoi ? Ce sont tous les vêtements
dont les Occidentaux ne veulent plus, qui sont donnés à d’obscures
associations. Les vêtements récoltés circulent dans d’obscures réseaux avec
l’étiquette « recyclage » ou « humanitaire » et sont
revendus dans les marchés du Tiers-monde. C’est grâce à cette
« mafia », notamment, qu’on peut voir à FD des gens habillés d’un
t-shirt « guide officiel de l’abbaye du Mont Saint Michel »,
« Leclerc », « école d’ingénieurs de Grenoble promotion
2010» et comble de la coïncidence j’ai
vu une serveuse avec un tablier Trinitaine !
Dans la rue des bouchers il vaut mieux avoir le cœur bien
accroché et des chaussures fermées et imperméables, à moins que marcher dans le
sang de zébu soit votre occupation favorite ! Quand on vient de bonne
heure on peut voir les zébus se faire égorger au couteau et les chèvres
décapiter à la hache. Plus tard dans la matinée votre nez occidental sera
assailli par les odeurs de sang caillé, de peaux fermentés et de viscères en
décomposition. Les filets de viande sont posés en rosace sur des grandes
assiettes blanches, les morceaux moins recherchés sont posés directement sur l’étale
en bois. Derrière l’étale, la carcasse d’un zébu est suspendue au plafond par
un clou rouillé, la tête de la défunte bête traine sur la poussière du sol. Le
boucher, un homme costaud, manie avec dextérité un grand couteau, mêlant sa
sueur au sang du zébu. Dans le coin un jeune apprenti, sans doute son fils, hache
de la viande, un morceau tombe par terre, ni vu ni connu il est remis dans le
hachoir. Mais ce qui est frappant ici ce sont les mouches ; leur nombre
crée un bourdonnement sourd et régulier. La femme du boucher, qui fait constamment
le ménage « par mesure d’hygiène », agite sa serpillère ou son balai
au dessus de la viande quand un client potentiel passe. Soudainement la viande
prend vie, elle s’envole dans tous les sens, et passe du noir charbon au rouge
vif : la colonie de mouche est repoussée le temps d’un instant.
Tanambao c'est authentique, exotique, inimitable mais surtout incontournable. On ne peut prétendre venir à Mada sans faire un détour par ce lieu haut en couleur!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire