mardi 3 décembre 2013

Faire ses courses épisode 1 ; un détour par Tanamboa


A Fort-Dauphin, ce n‘est pas le marché de Padipado, mais Tanamboa (Ta’nambô). Tanamboa est le marché de la ville, situé à 2km de la mairie, il a pris une telle ampleur qu’il est devenu une ville à part entière.

Aller à Tanamboa, c’est comme aller en brousse, c’est partir à la découverte d’un nouveau monde fascinant et grouillant. Vu de loin Tanamboa n’est qu’un amas de  tôles rouillées, une sorte  de dépotoir industriel ; mais s’en approcher s’est plonger dans une fourmilière. L’organisation interne du marché répond malgré tout à une logique. Au centre, vous avez une église catholique en béton construite dans les années 70, à droite vous avez le matériel ménager, à gauche le matériel électronique, devant les fripes, et derrière l’alimentaire.

C’est bien simple à Tanamboa on trouve tout, les contrefaçons chinoises d’ipods vendues à coté d’authentiques blackberry, d’imposants tables en bois précieux sculptées à la demande, des paniers de pierres semi-précieuses, des tas de bananes de la hauteur d’un homme. 

Il y a deux choses que j’aime particulièrement à Tanamboa, les fripes et la rue des bouchers. Les fripes s’est fascinant ! D’immenses tas de vêtements sont déposés sur des nattes en rafia  ou des feuilles de bananiers. Il y a une pile chemise, une pile pantalon, une pile sous-vêtement. Il faut repérer précisément la pile du vêtement que vous cherchez. A force d’ingéniosité, de courage et de beaucoup de patience  il faut se frayer une place dans la foule grouillante et bavarde, puis défendre sa position bec et ongle face aux mégères qui  viennent habiller leurs rejetons et maris. Aux fripes il n’y a pas l’ombre d’une contrefaçon, ce sont d’authentiques chemises Pierre Cardin et t-shirts Hollister. Pourquoi ? Ce sont tous les vêtements  dont les Occidentaux ne veulent plus, qui sont donnés à d’obscures associations. Les vêtements récoltés circulent dans d’obscures réseaux avec l’étiquette « recyclage » ou « humanitaire » et sont revendus dans les marchés du Tiers-monde. C’est grâce à cette « mafia », notamment, qu’on peut voir à FD des gens habillés d’un t-shirt « guide officiel de l’abbaye du Mont Saint Michel », « Leclerc », « école d’ingénieurs de Grenoble  promotion 2010» et  comble de la coïncidence j’ai vu une serveuse avec un tablier Trinitaine !    

Dans la rue des bouchers il vaut mieux avoir le cœur bien accroché et des chaussures fermées et imperméables, à moins que marcher dans le sang de zébu soit votre occupation favorite ! Quand on vient de bonne heure on peut voir les zébus se faire égorger au couteau et les chèvres décapiter à la hache. Plus tard dans la matinée votre nez occidental sera assailli par les odeurs de sang caillé, de peaux fermentés et de viscères en décomposition. Les filets de viande sont posés en rosace sur des grandes assiettes blanches, les morceaux moins recherchés sont posés directement sur l’étale en bois. Derrière l’étale, la carcasse d’un zébu est suspendue au plafond par un clou rouillé, la tête de la défunte bête traine sur la poussière du sol. Le boucher, un homme costaud, manie avec dextérité un grand couteau, mêlant sa sueur au sang du zébu. Dans le coin un jeune apprenti, sans doute son fils, hache de la viande, un morceau tombe par terre, ni vu ni connu il est remis dans le hachoir. Mais ce qui est frappant ici ce sont les mouches ; leur nombre crée un bourdonnement sourd et régulier. La femme du boucher, qui fait constamment le ménage « par mesure d’hygiène », agite sa serpillère ou son balai au dessus de la viande quand un client potentiel passe. Soudainement la viande prend vie, elle s’envole dans tous les sens, et passe du noir charbon au rouge vif : la colonie de mouche est repoussée le temps d’un instant.

Tanambao c'est authentique, exotique, inimitable mais surtout incontournable. On ne peut prétendre venir à Mada sans faire un détour par ce lieu haut en couleur!

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