vendredi 20 décembre 2013

…Le … rythme … de… vie…


Aujourd’hui est le jour du deuxième scrutin présidentiel, me voilà donc cloîtré à la maison pour 24 heures. Sécurité oblige…

Je profite donc de cette oisiveté imposée pour rattraper le retard et  alimenter mon blog.
Il est un sujet dont j’aurais du traiter il y a bien longtemps de cela, le rythme de vie. Je pense que c’est le facteur contribuant le plus au dépaysement de l’Occidental, touriste ou expat, de passage à Madagascar.
Avant mon départ, on m’avait conseillé de retenir l’axiome malgache « mora mora » (moura moure), littéralement « tranquillement/ doucement ». Le proverbe enfantin « cool Raoul », me semble plus adapté comme traduction. Plus qu’une simple devise qu’on écrit dans les guides touristiques pour l’exotisme, il s’agit d’un véritable art de vivre. Ce que « inch’Allah » est au Maghreb, « mora mora » est à Madagascar, indissociable.

Il n’y a pas d’électricité le soir en rentrant à la maison ? « Mora mora ». Le courrier n’est pas arrivé aujourd’hui ? « Mora mora ». J’attends 1H30 mon plat au restaurant ? « Mora mora ».

« Mora mora » est la réponse  donnée à tout ce qui n’est pas explicable pour /à un Occidentale. Pour un Français, continuellement dans le rush, à courir après son bus, à voler de réunion en congrès, d’activités périscolaires en préparations de kermesse, ce concept est incompréhensible.

Au premier abord cet art de vivre est plaisant, il donne le ton. Madagascar est une ile paradisiaque, un parfum de vacance plane sur ses plages, à quoi bon se prendre la tête !? Puis au bout de quelques semaines, l’exotisme est remplacé par l’agacement. « J’ai commandé il y a une demi-heure une bouteille d’eau, pourquoi n’est-elle pas arrivée ?! ». « Mora mora ». Enfin la lassitude et la résignation s’installent. « A quoi bon !? »

« Mora mora » a envahit tous les aspects de la vie quotidienne, transformant Madagascar en un lieu d’atemporalité. Ici l’attente est un art de vivre, presqu’un plaisir (sadique). Quelques exemples concrets vous aideront à saisir le phénomène. Quand un serveur vous annonce que votre rhum arrangé sera prêt « dans deux minutes missy », vous pouvez y ajouter un 0 et vous avez l’heure ! Quand la poste annonce que le bureau ouvre le matin à 8h, il faut comprendre : « l’employé partira de chez lui à 8h ». Ainsi l’ouverture est proportionnelle à l’éloignement du domicile du guichetier du bureau de poste. Quand le même bureau de poste annonce une fermeture à 12h, cela signifie réellement que le guichetier sera chez lui à midi, à vous de faire le calcul ! 

Il faut également que vous compreniez, que si le système de mesure du temps est le même qu’Europe, le temps n’a pas la même valeur. Ainsi la journée n’a pas la même amplitude dans ce coin du globe. La vie commence le matin à 4H et se termine le soir à 18h. Mais ces heures n’ont pas la même portée qu’en France. Par exemple quand la poste annonce une ouverture à 8h du matin, ce n’est pas le même 8h qu’en France. Par rapport au rythme de vie il s’agit plus d’un 10h français ! De même quand je décris ma soirée à un Malgache en lui disant que je me suis couché à 22H, il me demande si j’ai des insomnies ou des troubles du sommeil qui explique un couché si tardif !

La langue malgache est véhiculaire de cette nonchalance. Ce n’est pas une langue qui claque comme un fouet, qui dévale en cascades ; disons qu’il s’agit d’un ruisseau de plaine.  Quand en France un simple « oui », suffit à marquer l’approbation, à Mada il faut attendre  le temps d’un « èèèèèèèkkaaaaaaaa ».

Dans les rues, « mora mora » est roi. Le bruit des savates qui frottent nonchalamment le goudron résonne contre les murs. Parfois une femme assise devant son « étale » de litchi ouvre la bouche et articule péniblement « liiitchiéééééééééé ». Un homme marche, puis d’un coup s’étale de tout son long à l’ombre d’un mur et commence une sieste. C’est un spectacle véritablement étrange que de marcher aux heures les plus chaudes dans le centre ville. L’ « agitation » a disparu, tout le monde dort, ronfle et grogne. Les bébés sont posés sur des feuilles de bananiers à l’ombre d’un muret, les enfants dorment sous les taxis stationnés, et les femmes, enroulées dans leurs paréos, dorment sur le goudron ou contre un zébu qui rumine paisiblement.

A Madagascar, l’instant n’existe pas ; tout est une question de durée. Certains y verraient une raison au sous-développement, personnellement j’y vois un reste de la nonchalance coloniale.

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