samedi 25 janvier 2014

Robinson Crusoé


Aujourd’hui avec un couple d’expat nous sommes partis à Lokaro (« Loukar »), autrement appelé « la Bretagne Malgache », pour passer la journée.  Lokaro  n’est qu’à 27 km de FD mais il faut compter 3 heures de routes en 4x4. Nous sommes donc partis à aux aurores afin de pouvoir profiter au maximum de la journée.

Je n’ai vu aucune route qui soit pire que celle de Lokaro. Pendant 3 heures ce ne fut qu’ornières et routes défoncées. La route était tellement mauvaise qu’à certains moments il fallait mieux rouler sur les champs en friches qui longent la route. Je ne sais pas comment vous vous imaginez la région de FD, mais c’est très montagneux  et il y a beaucoup de  rivières. Inutile de vous dire que les ponts n’existent pas, ni les bacs ! Les rivières se traversent donc à gué en 4x4, les fenêtres bien fermées.  Les routes sont de véritables montagnes russes. Dans les côtes ce ne sont pas des routes en lacets, mais elles attaquent le versant de manière verticale, il faut avoir de très bons freins et ne pas avoir le vertige ! A cela il faut ajouter l’irrégularité des pistes qui sont déchirées par de profondes ornières et des nids de poules de 70 cm de profondeurs (ici on appelle ça des nids d’autruche !). Si l’on fait abstraction des effets néfastes de la route sur le dos, le voyage est très plaisant. Les paysages montagneux rappellent ceux du Massif Central… les rizières et bananeraies en plus !  De temps en temps il y a un petit village de riziculteur : des cases   groupées autour de petites églises à clocher du début XXème. Charmant vient à l’esprit pour décrire de tels paysages. 

A chaque fois que nous traversons un village, il nous faut s’arrêter  pour saluer le chef du village et acheter quelques bananes ou mangues. Ce n’est pas une obligation, mais c’est la garantie qu’au retour les villageois ne nous attaquerons pas. Le principe est simple, il faut leur montrer qu’on les respecte et qu’en temps que blancs on a de l’argent pour leur acheter des biens. Si nous ne faisions pas ça, les villageois se sentirait humilié que nous passions enfermer dans nos 4x4 sans daigner les saluer ni même faire vivre l’économie locale.

Arrivés à Lokaro c’est l’émerveillement. Des sentiments de bout du monde et de carte postale paradisiaque s’emparent de vous. Pour être clair, à coté de Lokaro, Maurice ressemble à la plage de Dunkerque… Un petit village de pêcheur sur la plage, des cocotiers et badamiers  à l’infini, un sable si fin qu’on croirait marcher sur des nuages. Nous ne sommes pas restés sur cette plage, mais nous avions décidé d’aller sur la petite ile à 200mètres, en face, l’ile de Robinson Crusoé… En revanche pour aller sur l’ile il n’y a pas de navette, il faut faire la traversée à pied au niveau du gué. Nous avons donc embauché quelques ados pour qu’ils nous aident à porter nos affaires (glacière, jerrican, bouteilles d’eau,…). Nous voici partis en file indienne, derrière le « guide », une main pour tenir le sac sur la tête, l’autre main pour tenir l’épaule de la personne devant. Rejoindre l’ile n’a pas été une mince affaire. De l’eau jusqu’à la poitrine, il fallait faire en sorte de ne pas mouiller son sac, tout en buvant 3 litres d’eau de mer à chaque vagues ! Nous avons bien rigolé !

L’ile de Robinson, c’est plus que paradisiaque. L’ile à la forme d’un  « X ». Deux éperons rocheux en granite rose reliés par une plage de sable fin. Les zébus sont les seuls habitants de l’île. Ni insecte ni de serpent, j’ai redécouvert la joie de marcher pied nu. Nous nous sommes installés sur la bande de sable, à l’ombre d’un immense badamier. Vu la configuration de l’ile, à partir de la même plage, nous pouvions choisir de nous baigner dans deux criques différentes… Un vrai luxe !

Pour le repas comment ça c’est passé ? Très simplement à vrai dire, nous avons fait simple ! Les porteurs que nous avions embauchés étaient également pêcheurs. Un à un, munis d’un masque et d’un tuba, nous les avons accompagnés pour pêcher notre repas. Bon je dis pêcher, c’est un abus de langage, à vrai dire nous nagions jusqu'à la barrière de corail, quand un poisson nous plaisait un simple geste de notre part et le pêcheur le harponnait. Au final j’ai mangé une douzaine d’huitres, une moitié de capitaine (le poisson !), une moitié de perroquet (toujours le poisson !) et 3 langoustes. Je me suis régalé ! Pour le dessert, les pêcheurs sont allés ramasser des noix de cocos à 10 mètres et le tour était joué !

 Pour le repas que j’ai fait j’en ai eu pour 3 euros ! Lokaro est un lieu loin de tout et la vie est nettement moins chère qu’à FD. Langouste et capitaine, des produits de luxe en Europe, sont ici les plats quotidiens. 3 euros ca peut vous sembler indécent, mais nous n’avons même pas marchandé tellement le prix était dérisoire et les Malgaches sont partis avec des grands sourire tellement ils étaient content d’avoir gagné 3 euros  par personne en une demi journée ! En fait de cette contrée reculée, la nourriture (poissons et fruits) abonde. Devant une telle profusion ils ne voient pas l’intérêt de faire payer  pour les produits qui se trouvent à portée de main, c’est juste la main d’œuvre qui est facturée.

Nous sommes repartis de bonnes heures vers FD, la route n’étant pas équipée de lampadaires, il est impossible d’y circuler dès le crépuscule. De retour à la maison, le dos en compote, je ne rêve que d’une chose, un bon massage !

jeudi 23 janvier 2014

En un mot comme en m’île, Maurice


Maurice est toute petite. 48km de longueur pour 40km de large, soit la distance Nantes-Nozay et Nantes-Pornic… Pour atterrir l’avion ne descend pas en ligne oblique, mais il tourne en spirale autour de l’ile jusqu’à toucher le tarmac : nausée assurée !

En provenance de Madagascar, arriver à l’aéroport de Maurice a été une véritable rédemption. Aéroport moderne, taxis confortables, routes goudronnées, eau potable, absence de palu. En un instant tout ce qui avait été le quotidien, la routine, de mes trois derniers mois est apparu comme un fardeau et j’ai redécouvert la joie de vivre à l’Occidental dans un pays développé.

A Maurice on prend conscience d’un phénomène assez fascinant : la distorsion de l’espace. Je vous l’ai dit c’est une île minuscule perdue au milieu de l’Océan Indien. Cependant à écouter les Mauriciens il s’agirait d’un territoire immense. Pour cette île qui ne fait même pas la taille d’un département français, le gouvernement a trouvé le moyen de la diviser en une dizaine de région administrative pour « faciliter la gestion » ! Si du Nord au Sud la distance est de 48km, dans l’esprit des habitants il s’agit de la même distance qu’entre Lille et Marseille. Cette distorsion spatiale est appuyée par une « diversité »  climatique qui va du pôle Nord au Sahara en passant par les zones tropicales. Au Sud de Maurice les températures seraient « très très fraîches », par opposition au Nord qui est nettement plus chaud (: il faut dire qu’on est plus proche de 48 km de l’équateur…) Pareillement,  il y aurait autant de différences entre un Mauricien du Nord, du Centre et du Sud qu’entre un Inuit, un Chinois  et un Bédouin….

Pendant 15 jours nous avons fait une boucle, pour découvrir l’ile dans son ensemble et les différences de cultures ne sautent pas aux yeux ! Nous avons commencé par la côte Est, qui est envahit par les tours opérateurs bon marchés ; puis l’extrême pointe Nord de l’île qui est plus connue par son surnom,  qui en dit long, de « la Croisette » ; puis le grand Sud qui est largement préservé du tourisme.

Les Mauriciens sont vraiment des gens agréables. Gentils sans être mielleux,  souriants sans être moqueurs, mais surtout ils n’en ont pas après votre argent. C’est très agréable, de pouvoir demander un renseignement dans la rue sans devoir donner quelques sous pour avoir une réponse, ni d’être sollicité par les mendiants, ni de devoir payer des bakchichs à longueur de journée.

Maurice, en dehors des circuits touristiques, ressemble beaucoup à l’Inde. Sarees, cuisine épicée, couleurs,  odeurs, temple dravidiens, statuettes de divinités le long des routes. Il y particulièrement une ville qui nous a frappé par son authenticité, son atmosphère nonchalante et son bon vivre : Mahébourg. Lieu où Napoléon a gagné sa seule bataille navale face aux Britanniques et les Mauriciens en sont très fiers ! Une sorte de pesanteur plane au-dessus de la ville. Comme si elle n’avaient pas fini de fêter la victoire napoléonienne

Ce qui est fascinant à Maurice c’est la culture linguistique de l’île. Les Mauriciens, sans distinction de classe sociale, sont tous trilingues et même plus. Chacun à une langue maternelle propre (Cantonais, Mandarin, Hindi, Tamoul, Penjâbi,…). Tout le monde parle Créole car c’est la langue de la sociabilité informelle. Tout le monde parle Français « car c’est le Français ».  Et enfin, tout le monde parle Anglais car c’est la langue officielle. C’est véritablement extraordinaire à Maurice, l’île n’a connu qu’un siècle d’administration française, la France l’a quittée en 19ème, l’anglais est la seule langue officielle, mais tout le monde préfère apprendre le Français avant l’Anglais et l’utilise plus souvent. Pour vous donner un exemple, l’essentiel de l’affichage publicitaire et signalétique  est fait en Français !

Cela pourrait sembler incohérent d’aller à Madagascar, puis à Maurice ; de passer sans gêne de la plus grande pauvreté au paradis capitaliste. A vrai dire les deux pays entretiennent des liens culturels très forts, et les deux populations s’estiment très largement. Malgré l’éloignement apparent des deux îles, il y a une véritable continuité. La fertilité du sol, le vert des paysages, la canne à sucre, le Rhum, les maisons créoles, le raphia, les lémuriens, les tortues, la vanille, les litchis, la marqueterie, les tintinophiles, les francophiles, les épices, Paul et Virginie, … Saviez-vous que lorsque la France à quitté Madagascar en 1960 il aurait été question que la direction du pays soit confiée à Maurice ?

Mais à vrai dire de ce qu’on nous dit de Maurice, les plages, c’est très décevant.  En effet, vous êtes sur une île mais vous ne voyez que très rarement la mer. Tous les rivages sont pris d’assaut par les hôtels et résidences de luxe, l’essentiel des côtes est privatisé. Ainsi vous pouvez être à 10 mètre à vol d’oiseau de la plage, il vous faudra néanmoins faire 5km en voiture pour accéder à la plage publique. On vous dit plage publique, en fait il s’agit plus d’une bande de sable de 2 mètres coincée entre la route et la mer, et pour se baigner il faut nager entre les yachts de luxe… De même, comme c’est une île volcanique, le plateau continental sous-marin est très élevé. Ainsi il faut marcher longtemps (300 mètres) pour avoir de l’eau au-dessus du genou. Sur toutes les publicités Occidentale de Maurice, on peut voire une personne qui fait la planche au milieu des eaux turquoise. Si elle fait la planche c’est que c’est l’unique moyen de se mouiller intégralement et si l’eau est turquoise, c’est qu’elle n’est pas profonde ! Tout cela pour vous dire que les plages Malgaches valent mille fois celles de Maurice.

samedi 4 janvier 2014

Tana


Antananarivo, Tananarive, Antanarive n’existent pas ; seulement dans les dictionnaires et atlas. Ici un consensus mutuel renomme la ville Tana. Tana… On ne prononce pas « Tana » avec indifférence et insolence. Tana se souffle avec emphase du bout des lèvres, c’est une femme mystérieuse il faut la respecter.

Avant d’arriver à Tana j’étais très partagé, je ne savais pas quoi en penser. D’un coté la ville coloniale et l’imaginaire me fascinaient de l’autre  les commentaires acerbes des expat’ aguerris sur l’insécurité, la pollution et les embouteillages modéraient mes ardeurs.  J’étais d’autant moins enthousiaste que j’avais appris que les résultats des élections devaient être annoncés aujourd’hui.  Par mesure de sécurité j’avais embauché un garde du corps, une armoire à glace qui est venue m’accueillir à la sortie de l’avion.

Courageux mais pas téméraires, je décide, après mon installation à l’hôtel, d’embaucher un chauffeur pour visiter les environs de Tana. Il me propose d’aller à la Croc’Farm. Ni une ni deux me voilà parti avec, Michel, mon garde du corps et mon chauffeur Théodose. Croc’Farm ? C’est un élevage de crocodile, pour revendre leurs peaux à l’industrie du luxe. Nichée aux cœurs des rizières, à 3 km de l’aéroport, la ferme est une ancienne maison créole au milieu d’un très grand parc. L’aménagement du parc est brillamment fait, c’est un subtil mélange de jardin botanique, de zoo et d’élevage. Dans le parc tous les animaux endémiques de Mada y sont présents. 

Mon guide m’a beaucoup fait rire, il m’annonce avec beaucoup de solennité « Maintenant Monsieur, nous allons voir le plus grand carnivore de Madagascar, faites attention il est très dangereux ». Arrivé devant l’enclos du monstre, je vois un gros chat, qui ronronnait paisiblement sur sa branche…  Il y avait également  dans le parc une énorme tortue de 180 ans ! On a beau dire que ce n‘est qu’une tortue, mais voir et toucher un être vivant aussi vieux c’est impressionnant… Elle est née en 1833…

Après nous sommes passé devant un enclos de zébu, « le garde à manger des crocos ». 

Dans la ferme il y a plus de 300 crocodiles répartis en différents bassin, ce qui fait une consommation de 500 milles tonnes de viandes par an. Les crocos il y en a de toutes les tailles et couleurs : du petit tout mignon, au crocodile du Nil, en passant par les crocos albinos.  Je n‘aurais pas cru, mais regarder les crocos n’a rien d’effrayant (les clôtures y jouent pour beaucoup aussi), ce qui m’a le plus frappé c’est leur effet apaisant. Il faut les voir dériver nonchalamment, bailler de toute leur gueule, dorer au soleil pendant des heures. Mais c’est surtout la carapace qui gonfle, s’étend  et s'épanouie au rythme de la respiration qui a un effet relaxant. 

Après mon petit tour, j’ai joué la carte du sadisme.  Je me suis installé sur le balcon du restaurant qui surplombe le plus grand bassin de croco (150 bêtes) et j’ai commandé des brochettes de crocodile ! Alors la viande de croco c’est très bon. La texture ressemble à de la viande de veau, en plus gras, et le goût est très proche de celui de la langouste. Je me suis régalé !

Au cours de la visite j’ai appris une anecdote assez « croustillante ». Au Moyen-âge en France quand la justice ne parvenait à décider si l’accusé était coupable, on s’en remettait au « Jugement de Dieu ». A Madagascar, dans les mêmes circonstances, l’accusé devait traverser un lac/rivière infesté de crocodiles, s’il en ressortait indemne il était innocenté, dans le cas contraire les crocos avaient le droit à un bon repas…

Après la visite je me suis dit que c’était trop bête d’être à Tana et ne pas visiter le centre-ville, avec l’accord de Michel nous y sommes allés. C’était la bonne décision puisqu’il n’ y avait aucune agitation, par ailleurs la proclamation des résultats des élections a été retardée.

Tana n’est pas belle au sens parisien, mais elle a un charme fou et indescriptible. La ville haute (coloniale) est un enchevêtrement de petites rues pavées, de maisons créoles. Une multitude de clocher hérissent la colline. Pour le dire clairement, on se croirait dans un petit village français, c’est tout à fait charmant ! Dans la ville haute point de pauvreté, ni de richesse  nauséeuse à vrai dire. Il y a bien les grands magasins type Cartier, Chanel ou Ralph Lauren, mais ils sont logées au creux de petites maisonnettes décaties. L’atmosphère y est nonchalante, décomplexée véritablement agréable. Le haut de la colline est surplombé par le palais de la reine, qui vient juste d’être restauré des conséquences de l’incendie de 1995. D’ici le point de vue sur Tana est époustouflant.  Tana est une ville dantesque, qui s’étend à l’infinie, mais ce qui m’a frappé c’est la multitude de zones vertes. Vous pouvez être dans le centre ville et marcher le long d’une rizière, le contraste est saisissant.

Après nous nous sommes rendus dans la Ville Basse. La ville malgache. Nous avons descendu les avenue de l’indépendance  et Jean Jaurès en 2CV (ça n’a pas de prix), et fait le tour du lac Anosy. Ce lac a une histoire très intéressante. En forme de cœur, il a été creusé par Gallieni qui voulait faire u cadeau à sa maitresse, la reine malgache. Le lac est entouré de grands et beaux acacias, au milieu, sur un ilot, trône fièrement le monument au morts pour la France en 14-18.

En bon francophile, j’ai fait un arrêt obligatoire au Café de la Gare. Le lieu mythique de Tana, aussi incontournable que la Tour Eiffel à Paris. C’est un café où les élites culturelles francophones de toute l’ile se réunissent. Le service est digne du Georges V, c’est très agréable d’y prendre une collation.  Et le soir, je suis allé manger un magret de canard sauce foie gras (très redondant mais tellement bon) dans le restaurant Jean Laborde qui surplombe toute la ville.

Je vous ai brossé un portrait plutôt flatteur de Tana, mais il ne faut pas se voiler la face la pauvreté y est sordide. Le plus dur c’est qu’elle n’est pas instrumentalisée par la mafia, elle est réelle. Des bébés qui sont lavés avec l’eau des caniveaux au dessus de l’égout, des gamins qui dorment sur des poubelles, des gamines qui se prostituent à tous les coins de rues…

Tana n’est pas aussi horrible qu’on le dit, les embouteillages ne sont pas si dérangeants (rien à voire avec ceux de Bombay), pas de problème d’insécurité si vous n’étalez pas un luxe dérangeant (j’entends par là qu’il ne faut sortir dans la rue vêtu uniquement d’une chemise et un pantalon, strictement rien d’autre pas même une ceinture !) 

Ce qui m’a le plus enthousiasmé, c’est que Tana est un ville à fort potentiel touristique mais vide de touristes, ce qui lui accroit son charme… ET maintenant me voici à Maurice prêt à me reposer :D

mercredi 1 janvier 2014

Aperçu d’une société postcoloniale


Pour la Saint Sylvestre j’avais été invité par la présidente du tribunal à la soirée réunissant toutes les huiles Malgaches de la ville. Pour la première fois, j’avais l’occasion de découvrir la société malgache de l’intérieure, c’est bien simple j’étais l’un des seuls Occidentaux. Lors de cette soirée j’ai découvert un monde que je soupçonnais, mais que j’avais pu pénétrer, la société postcoloniale.

Le restaurant, juste au-dessus de l’océan Indien, ressemblait à une salle de  « bal de promo » américaine des années 50 ; très kitsch ! Des grandes tentures, des guirlandes de ballons, des grosses fleurs et des paillettes partout. Le thème était rouge et  blanc ; «  les deux couleurs communes aux drapeaux français et malgaches, mais aussi parce que ca fait Noël ».

Les hommes étaient en costume, nœuds papillons et chemise à froufrou. Les femmes rivalisaient toutes avec des toilettes parisiennes des plus récentes. 

Si 98% des personnes présentes étaient Malgaches, toutes les conversations se faisaient en français, les seuls mots de Malgaches étaient pour que les serveurs apportent plus de vin, ou une autre corbeille de pain. Ici tout le monde connaît la France comme sa poche, tous les hivers (i.e. juillet et août) on transhume sur la Côte d’Azur et le bassin d’Arcachon pour trouver un peu de chaleur…

Le repas était très raffiné, uniquement des plats français malgachisés. Foie gras à la mangue (je ne vous l’ai jamais dit auparavant, mais les Malgaches font du foie gras, et il n’a rien à envier à celui du Périgord), méchoui de zébu, langouste à l’armoricaine, Paris-brest à la vanille… Juste pour vous narguer, je n’avais jamais vu autant de langouste, des plateaux entiers, j’en ai mangé 3 ! En ce qui concerne les boissons il en était de même, « eau de Vichy » venant d’Antsirabe, vin gris de Fianarantsoa, mais champagne Français pour minuit. 

Un orchestre était chargé d’assurer l’ambiance de la soirée. Pendant le repas deux jeunes chanteuses, accompagnées de Madame Yvonne et de Monsieur Hector reprenaient sans fausse note, les tubes de Brel, Dalida, Montand et Piaf. 

Quand le bal a débuté, j’ai pu découvrir la danse nationale malgache l’afindrafindrao (littéralement « pas à pas ») qui n’est autre que la malgachisation du menuet ! Il se danse en couple, en une longue chenille. La femme devant, pose la tête sur l’épaule de l’homme qui est dans son dos. Ils se tiennent par les mains, qu’ils ont levées au niveau de leurs épaules. Chaque couple doit tourner ses mains au rythme de la musique, tout en avançant à petits pas. Au 5ème temps tous les couples se tournent vers la droite/ gauche puis reprennent leurs trottinements. Il n’est réellement rien de plus délicieux comme spectacle, l’espace d’un instant on se croirait dans un roman pastoral du XVIIème…

A minuit, il n’y a pas de décompte juste de pudiques applaudissements. Ensuite, on se fait la bise tout en serrant la main de la personne, homme ou femme. A chaque fois il faut répéter la longue formule « bonne année, prospérité et santé »…

Les Malgaches se couchent de bonnes heures, à 1heure la fête était finie. La suite de la soirée est moins anecdotique, j’ai rejoint mes amis à une soirée d’expat dans le grand hôtel de la ville. 

Sans que je ne m’y attende, ce réveillon de la Saint Sylvestre s’est transformé en voyage dans le temps, un temps qui n’est plus mais persiste malgré tout ...