Antananarivo, Tananarive, Antanarive n’existent pas ;
seulement dans les dictionnaires et atlas. Ici un consensus mutuel renomme la
ville Tana. Tana… On ne prononce pas « Tana » avec indifférence et
insolence. Tana se souffle avec emphase du bout des lèvres, c’est une femme
mystérieuse il faut la respecter.
Avant d’arriver à Tana j’étais très partagé, je ne savais
pas quoi en penser. D’un coté la ville coloniale et l’imaginaire me fascinaient
de l’autre les commentaires acerbes des
expat’ aguerris sur l’insécurité, la pollution et les embouteillages modéraient
mes ardeurs. J’étais d’autant moins
enthousiaste que j’avais appris que les résultats des élections devaient être
annoncés aujourd’hui. Par mesure de
sécurité j’avais embauché un garde du corps, une armoire à glace qui est venue
m’accueillir à la sortie de l’avion.
Courageux mais pas téméraires, je décide, après mon
installation à l’hôtel, d’embaucher un chauffeur pour visiter les environs de
Tana. Il me propose d’aller à la Croc’Farm. Ni une ni deux me voilà parti avec,
Michel, mon garde du corps et mon chauffeur Théodose. Croc’Farm ? C’est un
élevage de crocodile, pour revendre leurs peaux à l’industrie du luxe. Nichée
aux cœurs des rizières, à 3 km de l’aéroport, la ferme est une ancienne maison
créole au milieu d’un très grand parc. L’aménagement du parc est brillamment fait,
c’est un subtil mélange de jardin botanique, de zoo et d’élevage. Dans le parc
tous les animaux endémiques de Mada y sont présents.
Mon guide m’a beaucoup
fait rire, il m’annonce avec beaucoup de solennité « Maintenant Monsieur,
nous allons voir le plus grand carnivore de Madagascar, faites attention il est
très dangereux ». Arrivé devant l’enclos du monstre, je vois un gros chat,
qui ronronnait paisiblement sur sa branche…
Il y avait également dans le parc
une énorme tortue de 180 ans ! On a beau dire que ce n‘est qu’une tortue,
mais voir et toucher un être vivant aussi vieux c’est impressionnant… Elle est
née en 1833…
Après nous sommes passé devant un enclos de zébu, « le
garde à manger des crocos ».
Dans la ferme il y a plus de 300 crocodiles
répartis en différents bassin, ce qui fait une consommation de 500 milles
tonnes de viandes par an. Les crocos il y en a de toutes les tailles et
couleurs : du petit tout mignon, au crocodile du Nil, en passant par les
crocos albinos. Je n‘aurais pas cru,
mais regarder les crocos n’a rien d’effrayant (les clôtures y jouent pour
beaucoup aussi), ce qui m’a le plus frappé c’est leur effet apaisant. Il faut
les voir dériver nonchalamment, bailler de toute leur gueule, dorer au soleil
pendant des heures. Mais c’est surtout la carapace qui gonfle, s’étend et s'épanouie au rythme de la respiration qui
a un effet relaxant.
Après mon petit tour, j’ai joué la carte du sadisme. Je me suis installé sur le balcon du
restaurant qui surplombe le plus grand bassin de croco (150 bêtes) et j’ai
commandé des brochettes de crocodile ! Alors la viande de croco c’est très
bon. La texture ressemble à de la viande de veau, en plus gras, et le goût est
très proche de celui de la langouste. Je me suis régalé !
Au cours de la visite j’ai appris une anecdote assez
« croustillante ». Au Moyen-âge en France quand la justice ne
parvenait à décider si l’accusé était coupable, on s’en remettait
au « Jugement de Dieu ». A Madagascar, dans les mêmes
circonstances, l’accusé devait traverser un lac/rivière infesté de crocodiles,
s’il en ressortait indemne il était innocenté, dans le cas contraire les crocos
avaient le droit à un bon repas…
Après la visite je me suis dit que c’était trop bête d’être
à Tana et ne pas visiter le centre-ville, avec l’accord de Michel nous y sommes
allés. C’était la bonne décision puisqu’il n’ y avait aucune agitation, par ailleurs la proclamation des résultats des élections a été retardée.
Tana n’est pas belle au sens parisien, mais elle a un charme
fou et indescriptible. La ville haute (coloniale) est un enchevêtrement de
petites rues pavées, de maisons créoles. Une multitude de clocher hérissent la
colline. Pour le dire clairement, on se croirait dans un petit village
français, c’est tout à fait charmant ! Dans la ville haute point de
pauvreté, ni de richesse nauséeuse à
vrai dire. Il y a bien les grands magasins type Cartier, Chanel ou Ralph
Lauren, mais ils sont logées au creux de petites maisonnettes décaties.
L’atmosphère y est nonchalante, décomplexée véritablement agréable. Le haut de
la colline est surplombé par le palais de la reine, qui vient juste d’être
restauré des conséquences de l’incendie de 1995. D’ici le point de vue sur Tana
est époustouflant. Tana est une ville
dantesque, qui s’étend à l’infinie, mais ce qui m’a frappé c’est la multitude
de zones vertes. Vous pouvez être dans le centre ville et marcher le long d’une
rizière, le contraste est saisissant.
Après nous nous sommes rendus dans la Ville Basse. La ville
malgache. Nous avons descendu les avenue de l’indépendance et Jean Jaurès en 2CV (ça n’a pas de prix),
et fait le tour du lac Anosy. Ce lac a une histoire très intéressante. En forme
de cœur, il a été creusé par Gallieni qui voulait faire u cadeau à sa maitresse,
la reine malgache. Le lac est entouré de grands et beaux acacias, au milieu,
sur un ilot, trône fièrement le monument au morts pour la France en 14-18.
En bon francophile, j’ai fait un arrêt obligatoire au Café
de la Gare. Le lieu mythique de Tana, aussi incontournable que la Tour Eiffel à
Paris. C’est un café où les élites culturelles francophones de toute l’ile se
réunissent. Le service est digne du Georges V, c’est très agréable d’y prendre
une collation. Et le soir, je suis allé
manger un magret de canard sauce foie gras (très redondant mais tellement bon)
dans le restaurant Jean Laborde qui surplombe toute la ville.
Je vous ai brossé un portrait plutôt flatteur de Tana, mais
il ne faut pas se voiler la face la pauvreté y est sordide. Le plus dur c’est
qu’elle n’est pas instrumentalisée par la mafia, elle est réelle. Des bébés qui
sont lavés avec l’eau des caniveaux au dessus de l’égout, des gamins qui
dorment sur des poubelles, des gamines qui se prostituent à tous les coins de
rues…
Tana n’est pas aussi horrible qu’on le dit, les embouteillages
ne sont pas si dérangeants (rien à voire avec ceux de Bombay), pas de problème
d’insécurité si vous n’étalez pas un luxe dérangeant (j’entends par là qu’il ne
faut sortir dans la rue vêtu uniquement d’une chemise et un pantalon,
strictement rien d’autre pas même une ceinture !)
Ce qui m’a le plus enthousiasmé,
c’est que Tana est un ville à fort potentiel touristique mais vide de
touristes, ce qui lui accroit son charme… ET maintenant me voici à Maurice prêt
à me reposer :D
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