samedi 4 janvier 2014

Tana


Antananarivo, Tananarive, Antanarive n’existent pas ; seulement dans les dictionnaires et atlas. Ici un consensus mutuel renomme la ville Tana. Tana… On ne prononce pas « Tana » avec indifférence et insolence. Tana se souffle avec emphase du bout des lèvres, c’est une femme mystérieuse il faut la respecter.

Avant d’arriver à Tana j’étais très partagé, je ne savais pas quoi en penser. D’un coté la ville coloniale et l’imaginaire me fascinaient de l’autre  les commentaires acerbes des expat’ aguerris sur l’insécurité, la pollution et les embouteillages modéraient mes ardeurs.  J’étais d’autant moins enthousiaste que j’avais appris que les résultats des élections devaient être annoncés aujourd’hui.  Par mesure de sécurité j’avais embauché un garde du corps, une armoire à glace qui est venue m’accueillir à la sortie de l’avion.

Courageux mais pas téméraires, je décide, après mon installation à l’hôtel, d’embaucher un chauffeur pour visiter les environs de Tana. Il me propose d’aller à la Croc’Farm. Ni une ni deux me voilà parti avec, Michel, mon garde du corps et mon chauffeur Théodose. Croc’Farm ? C’est un élevage de crocodile, pour revendre leurs peaux à l’industrie du luxe. Nichée aux cœurs des rizières, à 3 km de l’aéroport, la ferme est une ancienne maison créole au milieu d’un très grand parc. L’aménagement du parc est brillamment fait, c’est un subtil mélange de jardin botanique, de zoo et d’élevage. Dans le parc tous les animaux endémiques de Mada y sont présents. 

Mon guide m’a beaucoup fait rire, il m’annonce avec beaucoup de solennité « Maintenant Monsieur, nous allons voir le plus grand carnivore de Madagascar, faites attention il est très dangereux ». Arrivé devant l’enclos du monstre, je vois un gros chat, qui ronronnait paisiblement sur sa branche…  Il y avait également  dans le parc une énorme tortue de 180 ans ! On a beau dire que ce n‘est qu’une tortue, mais voir et toucher un être vivant aussi vieux c’est impressionnant… Elle est née en 1833…

Après nous sommes passé devant un enclos de zébu, « le garde à manger des crocos ». 

Dans la ferme il y a plus de 300 crocodiles répartis en différents bassin, ce qui fait une consommation de 500 milles tonnes de viandes par an. Les crocos il y en a de toutes les tailles et couleurs : du petit tout mignon, au crocodile du Nil, en passant par les crocos albinos.  Je n‘aurais pas cru, mais regarder les crocos n’a rien d’effrayant (les clôtures y jouent pour beaucoup aussi), ce qui m’a le plus frappé c’est leur effet apaisant. Il faut les voir dériver nonchalamment, bailler de toute leur gueule, dorer au soleil pendant des heures. Mais c’est surtout la carapace qui gonfle, s’étend  et s'épanouie au rythme de la respiration qui a un effet relaxant. 

Après mon petit tour, j’ai joué la carte du sadisme.  Je me suis installé sur le balcon du restaurant qui surplombe le plus grand bassin de croco (150 bêtes) et j’ai commandé des brochettes de crocodile ! Alors la viande de croco c’est très bon. La texture ressemble à de la viande de veau, en plus gras, et le goût est très proche de celui de la langouste. Je me suis régalé !

Au cours de la visite j’ai appris une anecdote assez « croustillante ». Au Moyen-âge en France quand la justice ne parvenait à décider si l’accusé était coupable, on s’en remettait au « Jugement de Dieu ». A Madagascar, dans les mêmes circonstances, l’accusé devait traverser un lac/rivière infesté de crocodiles, s’il en ressortait indemne il était innocenté, dans le cas contraire les crocos avaient le droit à un bon repas…

Après la visite je me suis dit que c’était trop bête d’être à Tana et ne pas visiter le centre-ville, avec l’accord de Michel nous y sommes allés. C’était la bonne décision puisqu’il n’ y avait aucune agitation, par ailleurs la proclamation des résultats des élections a été retardée.

Tana n’est pas belle au sens parisien, mais elle a un charme fou et indescriptible. La ville haute (coloniale) est un enchevêtrement de petites rues pavées, de maisons créoles. Une multitude de clocher hérissent la colline. Pour le dire clairement, on se croirait dans un petit village français, c’est tout à fait charmant ! Dans la ville haute point de pauvreté, ni de richesse  nauséeuse à vrai dire. Il y a bien les grands magasins type Cartier, Chanel ou Ralph Lauren, mais ils sont logées au creux de petites maisonnettes décaties. L’atmosphère y est nonchalante, décomplexée véritablement agréable. Le haut de la colline est surplombé par le palais de la reine, qui vient juste d’être restauré des conséquences de l’incendie de 1995. D’ici le point de vue sur Tana est époustouflant.  Tana est une ville dantesque, qui s’étend à l’infinie, mais ce qui m’a frappé c’est la multitude de zones vertes. Vous pouvez être dans le centre ville et marcher le long d’une rizière, le contraste est saisissant.

Après nous nous sommes rendus dans la Ville Basse. La ville malgache. Nous avons descendu les avenue de l’indépendance  et Jean Jaurès en 2CV (ça n’a pas de prix), et fait le tour du lac Anosy. Ce lac a une histoire très intéressante. En forme de cœur, il a été creusé par Gallieni qui voulait faire u cadeau à sa maitresse, la reine malgache. Le lac est entouré de grands et beaux acacias, au milieu, sur un ilot, trône fièrement le monument au morts pour la France en 14-18.

En bon francophile, j’ai fait un arrêt obligatoire au Café de la Gare. Le lieu mythique de Tana, aussi incontournable que la Tour Eiffel à Paris. C’est un café où les élites culturelles francophones de toute l’ile se réunissent. Le service est digne du Georges V, c’est très agréable d’y prendre une collation.  Et le soir, je suis allé manger un magret de canard sauce foie gras (très redondant mais tellement bon) dans le restaurant Jean Laborde qui surplombe toute la ville.

Je vous ai brossé un portrait plutôt flatteur de Tana, mais il ne faut pas se voiler la face la pauvreté y est sordide. Le plus dur c’est qu’elle n’est pas instrumentalisée par la mafia, elle est réelle. Des bébés qui sont lavés avec l’eau des caniveaux au dessus de l’égout, des gamins qui dorment sur des poubelles, des gamines qui se prostituent à tous les coins de rues…

Tana n’est pas aussi horrible qu’on le dit, les embouteillages ne sont pas si dérangeants (rien à voire avec ceux de Bombay), pas de problème d’insécurité si vous n’étalez pas un luxe dérangeant (j’entends par là qu’il ne faut sortir dans la rue vêtu uniquement d’une chemise et un pantalon, strictement rien d’autre pas même une ceinture !) 

Ce qui m’a le plus enthousiasmé, c’est que Tana est un ville à fort potentiel touristique mais vide de touristes, ce qui lui accroit son charme… ET maintenant me voici à Maurice prêt à me reposer :D

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