mercredi 30 avril 2014

Vous les femmes

Le 8 mars est la journée internationale de la femme.

Si cette journée passe quasiment inapperçue en Occident, à Madagascar c'est une institution nationale.

Le 8 mars ets chômé pour toutes les Malgaches, et ce doit être le seul jour férié qui soit respecté! Il faut dire que le gouvernement a su y mettre les formes puisque les femmes surprises à travailler sont passibles d'une contravention...

C'est une chose bien étrange que de voir un pays dont la moitié des habitants travaille et l'autre fait la fête. Pour vous donner un exemple, la mairie était ouverte, mais le travail ne pouvait s'y faire correctement, car la secrétaire à l'accueil et la responsable n'étaient pas là...

Mais la célébration ne s'arrêtait pas là. Des concerts, des conférences et des bals étaient organisés. Ce qui constituait le spectacle le plus atypique  et le plus étonnant c'est le défilé. Si les femmes ne travaillent pas, elle défilent. Le cortège est divisé en section, correspondant chacune à une entreprise, une église, une associant dont les membres sont habillés de la même façon.Tout ce cortège ( la moitié de la ville; excusez du peu!) danse et chante pendant plusieurs heures, accompagné de chars fleuris déversant des airs entraînant de mangalibe (musique traditionnelle du Sud).

Il me faudrait un livre entier pour vous parler des femmes malgaches. Pour rester synthétique, je ne vais vous en brosser  le caractère qu'à partir de témoignages et réflexions entendues au cours de mon séjour.

"C'est incroyable ici les femmes chiquent et crachent dans la rue et ça choque personne" (touriste)

"Hier soir, papa très trsè colère, parce que maman l'a vendu ses savates au marché pour acheter de l'Ambilobe (rhum artisanal)" (Célestine, 10 ans)

"Ici les femmes sont fortes, ont les voit marcher un marmot dans le dos, un panier dans la main, 5 poulets dans l'autre avec un jerrican d'eau sur la tête." (expatrié)

"J'en ai marre tous les matins à la même heure, je suis réveillé par une vendeuse de poisson itinérante, qui passe dans la rue avec une bassine de poisson sur la tête en beuglant "Fija, fija) ("poissons, poissons)" (Étudiant malgache)

"Je sais pas si tu as remarqué mais ici les femmes ont très peu de rasta, c'est bizarre je croyais qu'on était en Afrique" (touriste)

"Il n'y a  pas plus fière et orgueilleuse qu'une Finaroise (Femme de Fianarantsoa, ville des Hauts-plateaux)" (Femme Malgache)

Et pour finir je vais vous résumer une chanson traditionnelle de l'Androy. Un jeune garçon et une femme tombent amoureux et décident de se marier. Le jour du mariage, en pleine cérémonie un 4x4 de touriste arrive au village. Un vazaha d'une cinquantaine d'années en sort La mariée répond "non" au pasteur et court dans les bras du nouvel arrivant A son fiancé éploré qui ne comprend pas ce qui se passe, elle lui répond "tu m'offre que de l'amour, lui il peut m'offrir de l'argent"

mercredi 5 mars 2014

La français à/de Madagascar

Nous voici entré dans le mois de la francophonie, une belle occasion pour parler de la situation linguistique à Madagascar.

Le français a une place très singulière dans la société malgache. Adulé chez les côtiers, honni des hauts-plateaux, il est utilisé partout sauf en brousse.

Le français est utilisé par tous, mais chacun à sa raison. Les peuples côtiers parlent le français par admiration et gratitude pour la France (l'Empire français les a libéré du joug de la monarchie Merina). Les peuples des hauts plateaux détestent les Français (ils ont brisé leur suprématie sur le reste de l'ile) mais l'utilisent avec raffinement, comme preuve de culture et d'ouverture sur le monde. Ainsi, à Tananarive, dans la ville haute, tout le monde parle français en société, en public; le malgache est réservé à l'intimité du foyer.

Inconnue mais non moins vivante, la minorité de langue maternelle française pousse le pays inexorablement vers une francisation toujours plus profonde. Cette minorité est constituée des expatriés francophones (Français, Canadiens, Italiens), des Malgaches ayant choisis la nationalité française à la veille de l'indépendance, et les Karanas. Les Karanas (Prononcez "Karane") sont les descendants de marchands indo-pakistanais installés à Madagascar depuis de nombreuses générations. Cette minorité ethnique, se partageant à part égale avec les Chinois l'économie un pays, est unilingue francophone et se défend de prononcer le moindre mot malgache. Leur emprise sur l'économie malgache est la raison pour laquelle le français ne cesse de gagner du terrain sur la grande ile rouge.

Une autre raison explique que le français garde une place de choix à Madagascar. Si il y a une chose pour laquelle le malgache est connu, c'est pour la longueure de ses mots (44 syllabes au maximum!). Le français est lui, beaucoup plus sobre. Ainsi rédiger en français les documents adminstratifs est un gain de place notoire.

A vrai dire, à Madagascar, on ne parle pas le français de France, mais un français propre à l'ile. Vierge de tout anglicisme, riche de mots oubliés en France et magnifié d'un accent XIXème, le français de Madagscar a beaucoup à apprendre à la métropole. Ici, on parle d'écolage (frais de scolarité), de vacation (salaire), de gargotier (épicier) et de paletot (pull à capuche).

Voici les beaux mots de ce bout du monde...

mercredi 26 février 2014

Un matin à Libanona

Lundi.

Il est 5 heure du matin, l'heure de mon bain matinal.

Sur le chemin qui mène à la plage, chacun de mes pas font s'envoler des nuées de

papillons. Bleus, oranges, blancs c'est un tourbillon de couleur.

Au loin, quelque part entre le ciel et la mer, se détachent les voiles des pirogues à

balancier.

Sur la plage tout le monde s'active. Les hommes, torse nus, remontent les pirogues et les

rangent à l'ombre des cocotiers. "Miverina ny olombelona" (les hommes sont de retour)

crient les gamins soulagés de constater que la flotte est au complet. Les femmes, un

marmot sur le dos, sortent des cases avec une bassine en plastique à la main.

 On se groupe autour des pirogues pour trier la pêche. Marguerites, calamars, dorades,

capitaines, requins, thons frétillent encore. Pendant ce temps les gamins sont chargés de

démêler les filets, de les réparer et de les étaler sur le sable pour qu'ils sèchent. Après

un tri minutieux les femmes ont rempli leurs bassines. Bébés sur le dos, bassine sur la

tête les voici parties vendre la pêche de leur mari, suivies par une nuage bourdonnant de

mouches.

Les adolescents ne perdent pas leur temps. De l'eau jusqu'à la taille, le fils de pêche

enroulés autour de la tête (la canne à pêche est un concept abstrait ici) ils lancent leurs

lignes comme un cow-boy manie son lasso. Le fils de mon gardien, Célestin, fait preuve

d'une grande dextérité et ramène à la surface 3 jeunes espadons en l'espace de 5 minutes.

Mais le temps passe vite, le soleil est déjà haut, je dois rentrer à la maison prendre mon

petit déjeuner...

samedi 15 février 2014

Road-trip aux airs de western spaghetti

Une amie partait deux jours  dans la brousse pour son travail. Elle nous avait proposé de profiter de son 4x4 et chauffeur pour partir à la découverte du Madagascar rural, loin des sentiers battus. Je n’ai pas  hésité une seconde !

3h du matin,  il ne fait pas encore jour mais nous sommes tous au rendez-vous ; frais et dispo pour un voyage qui s’annonçait inoubliable.

La destination ? Bin malin qui pourra vous le dire étant donné que ce sont des régions qui ne sont pas cartographiée. Une seule consigne ; « vers l’infini et l’au-delà ! » Plus concrètement nous avons sillonné la jungle de l’Antanosy « anta’nouche » (région de Fort-Dauphin), le désert de l’Androy « and’drouille » (l’extrême Sud de l’ile) avec comme étapes Ambosary, Ambovombe, et la réserve naturelle de Berenthy pour passer la nuit.

Concrètement nous ne sommes allés à plus de 130 km de Fort-Dauphin, mais il faut que vous compreniez que 130 km malgache ça fait  1300km Français en  terme de durée de voyage et de changement de paysages.

La première partie du voyage, la jungle de l‘Antanosy a été la plus éprouvante physiquement. En effet, dans  cette région, soumise à un régime tropicale (pluies diluviennes),  les  routes sont  défoncées par les multiples glissements de terrain, et ravinées par les torrents, à cela il faut ajouter un relief très montagneux.  Rizières, litchiers, papayers,  manguiers, avocatiers, il n’y a qu’à tendre la main pour manger ! Je ne veux pas paraître blasé, mais cette partie du voyage ne m’a pas tant marquée que ça puisque ces paysages sont désormais mon quotidien…
Ce qui a été frappant c’est le passage de la frontière entre Antanosy  (FD) et l’Androy. La première est montagneuse et tropicale, la seconde plate et désertique. La frontière est radicale et surprenante, elle se fait au sommet d’un col. Je n’exagère pas, mais quand vous êtes au sommet du col derrière vous  on voit la jungle et l’air est chargé d’humidité, vous avancez de 10 mètres et vous vous trouvez saisi par l’air brulant et sec du désert.
L’Androy (grand Sud de Madagascar) est un des paysages qui m’ait le plus marqué : tout le monde à vu la jungle en photo, personne n’a vu ce désert. L’Androy c’est  une alternance de sable et de terre rouge et une multitude de cactus. Dans l’Androy il n’y a pas de forêt humide, mais ce qu’on appelle la forêt sèche. La forêt sèche  c’ets des cactus  à perte de vue, sur des milliers d’hectares. En soit elle n’est pas bien haute (1m50 maximum, mais elle est complètement impénétrable, pas l’ombre d’un 1 cm pour s’y faufiler ; les épines sont par ailleurs fort dissuasives ! A coté des forêt des cactus, il ya les forêts de viviracés (je ne connaît pas l’orthographe), ce sont des  plantes endémiques de la famille des cactées, poussant à la verticale jusqu’à 8 mètre de hauteurs, il n’y a rien de plus impressionnants. Face une forêt de viviracé on se croirait devant un tableau de Dali, ou sur le plateau de tournage de Star Trek, tellement le paysage est surréaliste et fantasmagorique.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le désert de l’Androy est très humanisé.  Les champs de sisal (plante utilisée pour ses fibres dans l’industrie textile de luxe) couvrent l’horizon d’un bleu outre-mer. De grands champs, délimités par des barrières de cactus (plus efficace, économique et écolo que le barbelé), servent à l’élevage du zébu.

Dans cette région, qui est la plus pauvre de Madagascar, les routes sont très agréables ! En effet, du à la rareté des précipitations, les pistes de sable sont en très bon état (à l’échelle de Madagascar bien entendu !). Pour vous dire nous avons fait une pointe à 80km chose impensable dans  le reste de l’île ! Les routes dans l’Androy sont à l’américaine, rectiligne jusqu’à l’horizon, c’est complètement enivrant. Si les routes sont uniquement fréquentées par un ou deux 4x4 par mois, et 2 taxi-brousses par semaine,  elles sont surpeuplées. Troupeaux de zébus en transhumance, charrettes de sac de riz tirées par deux gamins de 10 ans, des femmes qui marchent avec des jerricans d’eau sur la tête. Ce qui est fascinant c’est que le long de la route il n’y a pas l’ombre d’un village, mais il ya du monde partout,  on ne sait pas d’où ils viennent ni où ils vont.
A notre passage les gens se retournent et nous lancent de joyeux « Salama » en agitant les mains, tous sont surpris de voir des Blancs dans cette région déshéritée, nous avons même vu un homme tomber de son vélo par surprise de voire des touristes ! Mais il ne faut pas se leurrer et se croire en sécurité, cette région en plus d’être la plus pauvres est l’une des plus dangereuse de Madagascar, elle est infestée par les Dahals (les bandits de grand chemins qui font des barrages, détroussent les voyageurs et les laissent repartir). Ainsi nous ne devions jamais nous arrêter toujours avancer au même rythme. Si nous nous arrêtions (ne serait-ce que pour se soulager), nous prenions le risques de tomber nez à nez avec un Dahal derrière un cactus, où qu’un complice les prévienne qu’une caravane de touriste était dans la région pour qu’ils nous attaquent plus loin. Par ailleurs, quand un 4x4 s’arrête sur une piste de sable, il est très difficile de le faire repartir car il lui suffit d’e quelques secondes d’immobilités pour s’enliser.

Pendant le voyage j’ai pris véritablement conscience de l’importance des ponts. En Occident, on n’y prête guère d’attention, mais c’est un véritable confort. A certains moments nous étions obligés de faire un détour de 10 km pour passer au dessus d’un canyon dépourvu de pont, nous avons également pris un « bac » pour traverser un fleuve  dans la jungle. Bac… A vrai dire c’était un radeau, sur lequel on gare la voiture, deux passeurs le font avancer avec de grandes perches pendant qu’une équipe de 3 hommes se charge d’écoper…. Un seul pont a croisé notre route, et celui-ci a une histoire très intéressante. Il a été dessiné par Gustave  Eiffel, mais a été détruit après l’indépendance. En effet, les gens de la région sont très francophobes et ont détruit tout ce qui rappelait  la France.  Par miracle il  a été remplacé directement après sa destruction, par un pont malgache. Quand le 4x4 s’est avancé dessus, toute la structure tremblait ; nous avons été obligés de mettre des plaques de métal (qui sont utilisées en temps normal quand le 4x4 s’enlise dans le sable) pour combler les trous et éviter qu’une roue ne se coince…

Malgré tout cela, le plus dépaysant a été le moment où nous sommes arrivés à Ambovombe. Ambovombe est le chef lieu de la région Androy, elle est surnommée « ville la plus pauvre du monde »… Contrairement à un imaginaire occidental bien installé, une ville pauvre ne rime pas nécessairement avec puanteur et saleté. Ainsi Ambovombe était étonnamment propre. Mais après réflexion ce n’est pas si étonnant : la pauvreté est telle que rien n’est jeté tout est mangé. Ici le salaire moyen est de 20 000 Ariary/mois soit environ 6 euros… la pauvreté était particulièrement accentué quand nous sommes arrivés car février est la période de soudure. La soudure c’est l’époque où il n’y a plus de riz dans les greniers et qu’il est trop tôt pour procéder à la prochaine récolte de riz. Dans les grandes villes comme FD, il est possible de trouver du riz pakistanais sur le marché, mais dans les villes de brousse les gens n’ont strictement rien à manger c’est la famine. Ils se nourrissent donc de galette de terre, de pulpe de cactus et de raquettes. La raquette, autrement appelée figue de barbarie, est le fruit du cactus. Comme il n’y avait que ça à manger j’ai gouté. De prime abord, j’étais franchement dubitatif, le fruit du cactus, le fruit du désert se devait d’être filandreux et sec. Cependant, une fois que la coquille piquante est épluchée, vous avez dans les mains un fruit vert, juteux et  fondant, similaire en tout point à un kiwi. Vraiment délicieux !
Quand vous arrivez à Ambovombe, on se croirait sur le plateau de tournage d’un western. Ici il n’y pas l’once de goudron, ni de béton. Les bâtiments sont tous en bois,  le sol est couvert de sable, des rangées de cactus bordent élégamment les rues. Quand nous sommes descendus du 4x4, la ville s’est figée, les regards se sont tournés vers nous, seul le sable soulevé par les bourrasques de vent procurait de l’animation à la ville. Dans les regards pas d’hostilité, seulement de la crainte. Un local nous expliquera par la suite que la ville a été saccagée la semaine précédente par une horde de Dahal. Ils arrivent, ils pillent, ils cassent tout et repartent avec le souffle du désert… comme dans les films

Enfin la dernière étape de notre voyage a été la réserve naturelle de Bérenthy. Située sur les rives du fleuve Mandrare, c’est un véritable havre de paix. La spécificité de cette réserve c’est qu’elle est à cheval sur deux milieux naturels opposés. La forêt sèche et la forêt humide.  Nous avons eu la chance de faire 3 visites dans la réserve. Une dans la journée, une au milieu de la nuit, et une à l’aube pour observer la vie de la nature aux différents moments de la journée. La nuit nous sommes allés dans la forêt sèche ; comme c’était la pleine lune, les ombres des cactus donnait à l’espace une atmosphère fantastique assez effrayante. A l’aube nous avons été dans la forêt humide, qui dégoulinait de boa…  Des immenses boas, accrochés aux branches, rampant sur le sol. J’ai manqué de peu de marcher sur boas qui faisait sa sieste sur le chemin… Sensations garantie ! Le moment le plus émouvant a été la visite aux baobabs le plus anciens avait 1600 ans ! Rendez-vous compte cela veut dire qu’il est né en l’an 300 !


Bon aller, je crois que vous avez un bon résumé de mes aventures dans la brousse ! a bientôt !

samedi 25 janvier 2014

Robinson Crusoé


Aujourd’hui avec un couple d’expat nous sommes partis à Lokaro (« Loukar »), autrement appelé « la Bretagne Malgache », pour passer la journée.  Lokaro  n’est qu’à 27 km de FD mais il faut compter 3 heures de routes en 4x4. Nous sommes donc partis à aux aurores afin de pouvoir profiter au maximum de la journée.

Je n’ai vu aucune route qui soit pire que celle de Lokaro. Pendant 3 heures ce ne fut qu’ornières et routes défoncées. La route était tellement mauvaise qu’à certains moments il fallait mieux rouler sur les champs en friches qui longent la route. Je ne sais pas comment vous vous imaginez la région de FD, mais c’est très montagneux  et il y a beaucoup de  rivières. Inutile de vous dire que les ponts n’existent pas, ni les bacs ! Les rivières se traversent donc à gué en 4x4, les fenêtres bien fermées.  Les routes sont de véritables montagnes russes. Dans les côtes ce ne sont pas des routes en lacets, mais elles attaquent le versant de manière verticale, il faut avoir de très bons freins et ne pas avoir le vertige ! A cela il faut ajouter l’irrégularité des pistes qui sont déchirées par de profondes ornières et des nids de poules de 70 cm de profondeurs (ici on appelle ça des nids d’autruche !). Si l’on fait abstraction des effets néfastes de la route sur le dos, le voyage est très plaisant. Les paysages montagneux rappellent ceux du Massif Central… les rizières et bananeraies en plus !  De temps en temps il y a un petit village de riziculteur : des cases   groupées autour de petites églises à clocher du début XXème. Charmant vient à l’esprit pour décrire de tels paysages. 

A chaque fois que nous traversons un village, il nous faut s’arrêter  pour saluer le chef du village et acheter quelques bananes ou mangues. Ce n’est pas une obligation, mais c’est la garantie qu’au retour les villageois ne nous attaquerons pas. Le principe est simple, il faut leur montrer qu’on les respecte et qu’en temps que blancs on a de l’argent pour leur acheter des biens. Si nous ne faisions pas ça, les villageois se sentirait humilié que nous passions enfermer dans nos 4x4 sans daigner les saluer ni même faire vivre l’économie locale.

Arrivés à Lokaro c’est l’émerveillement. Des sentiments de bout du monde et de carte postale paradisiaque s’emparent de vous. Pour être clair, à coté de Lokaro, Maurice ressemble à la plage de Dunkerque… Un petit village de pêcheur sur la plage, des cocotiers et badamiers  à l’infini, un sable si fin qu’on croirait marcher sur des nuages. Nous ne sommes pas restés sur cette plage, mais nous avions décidé d’aller sur la petite ile à 200mètres, en face, l’ile de Robinson Crusoé… En revanche pour aller sur l’ile il n’y a pas de navette, il faut faire la traversée à pied au niveau du gué. Nous avons donc embauché quelques ados pour qu’ils nous aident à porter nos affaires (glacière, jerrican, bouteilles d’eau,…). Nous voici partis en file indienne, derrière le « guide », une main pour tenir le sac sur la tête, l’autre main pour tenir l’épaule de la personne devant. Rejoindre l’ile n’a pas été une mince affaire. De l’eau jusqu’à la poitrine, il fallait faire en sorte de ne pas mouiller son sac, tout en buvant 3 litres d’eau de mer à chaque vagues ! Nous avons bien rigolé !

L’ile de Robinson, c’est plus que paradisiaque. L’ile à la forme d’un  « X ». Deux éperons rocheux en granite rose reliés par une plage de sable fin. Les zébus sont les seuls habitants de l’île. Ni insecte ni de serpent, j’ai redécouvert la joie de marcher pied nu. Nous nous sommes installés sur la bande de sable, à l’ombre d’un immense badamier. Vu la configuration de l’ile, à partir de la même plage, nous pouvions choisir de nous baigner dans deux criques différentes… Un vrai luxe !

Pour le repas comment ça c’est passé ? Très simplement à vrai dire, nous avons fait simple ! Les porteurs que nous avions embauchés étaient également pêcheurs. Un à un, munis d’un masque et d’un tuba, nous les avons accompagnés pour pêcher notre repas. Bon je dis pêcher, c’est un abus de langage, à vrai dire nous nagions jusqu'à la barrière de corail, quand un poisson nous plaisait un simple geste de notre part et le pêcheur le harponnait. Au final j’ai mangé une douzaine d’huitres, une moitié de capitaine (le poisson !), une moitié de perroquet (toujours le poisson !) et 3 langoustes. Je me suis régalé ! Pour le dessert, les pêcheurs sont allés ramasser des noix de cocos à 10 mètres et le tour était joué !

 Pour le repas que j’ai fait j’en ai eu pour 3 euros ! Lokaro est un lieu loin de tout et la vie est nettement moins chère qu’à FD. Langouste et capitaine, des produits de luxe en Europe, sont ici les plats quotidiens. 3 euros ca peut vous sembler indécent, mais nous n’avons même pas marchandé tellement le prix était dérisoire et les Malgaches sont partis avec des grands sourire tellement ils étaient content d’avoir gagné 3 euros  par personne en une demi journée ! En fait de cette contrée reculée, la nourriture (poissons et fruits) abonde. Devant une telle profusion ils ne voient pas l’intérêt de faire payer  pour les produits qui se trouvent à portée de main, c’est juste la main d’œuvre qui est facturée.

Nous sommes repartis de bonnes heures vers FD, la route n’étant pas équipée de lampadaires, il est impossible d’y circuler dès le crépuscule. De retour à la maison, le dos en compote, je ne rêve que d’une chose, un bon massage !

jeudi 23 janvier 2014

En un mot comme en m’île, Maurice


Maurice est toute petite. 48km de longueur pour 40km de large, soit la distance Nantes-Nozay et Nantes-Pornic… Pour atterrir l’avion ne descend pas en ligne oblique, mais il tourne en spirale autour de l’ile jusqu’à toucher le tarmac : nausée assurée !

En provenance de Madagascar, arriver à l’aéroport de Maurice a été une véritable rédemption. Aéroport moderne, taxis confortables, routes goudronnées, eau potable, absence de palu. En un instant tout ce qui avait été le quotidien, la routine, de mes trois derniers mois est apparu comme un fardeau et j’ai redécouvert la joie de vivre à l’Occidental dans un pays développé.

A Maurice on prend conscience d’un phénomène assez fascinant : la distorsion de l’espace. Je vous l’ai dit c’est une île minuscule perdue au milieu de l’Océan Indien. Cependant à écouter les Mauriciens il s’agirait d’un territoire immense. Pour cette île qui ne fait même pas la taille d’un département français, le gouvernement a trouvé le moyen de la diviser en une dizaine de région administrative pour « faciliter la gestion » ! Si du Nord au Sud la distance est de 48km, dans l’esprit des habitants il s’agit de la même distance qu’entre Lille et Marseille. Cette distorsion spatiale est appuyée par une « diversité »  climatique qui va du pôle Nord au Sahara en passant par les zones tropicales. Au Sud de Maurice les températures seraient « très très fraîches », par opposition au Nord qui est nettement plus chaud (: il faut dire qu’on est plus proche de 48 km de l’équateur…) Pareillement,  il y aurait autant de différences entre un Mauricien du Nord, du Centre et du Sud qu’entre un Inuit, un Chinois  et un Bédouin….

Pendant 15 jours nous avons fait une boucle, pour découvrir l’ile dans son ensemble et les différences de cultures ne sautent pas aux yeux ! Nous avons commencé par la côte Est, qui est envahit par les tours opérateurs bon marchés ; puis l’extrême pointe Nord de l’île qui est plus connue par son surnom,  qui en dit long, de « la Croisette » ; puis le grand Sud qui est largement préservé du tourisme.

Les Mauriciens sont vraiment des gens agréables. Gentils sans être mielleux,  souriants sans être moqueurs, mais surtout ils n’en ont pas après votre argent. C’est très agréable, de pouvoir demander un renseignement dans la rue sans devoir donner quelques sous pour avoir une réponse, ni d’être sollicité par les mendiants, ni de devoir payer des bakchichs à longueur de journée.

Maurice, en dehors des circuits touristiques, ressemble beaucoup à l’Inde. Sarees, cuisine épicée, couleurs,  odeurs, temple dravidiens, statuettes de divinités le long des routes. Il y particulièrement une ville qui nous a frappé par son authenticité, son atmosphère nonchalante et son bon vivre : Mahébourg. Lieu où Napoléon a gagné sa seule bataille navale face aux Britanniques et les Mauriciens en sont très fiers ! Une sorte de pesanteur plane au-dessus de la ville. Comme si elle n’avaient pas fini de fêter la victoire napoléonienne

Ce qui est fascinant à Maurice c’est la culture linguistique de l’île. Les Mauriciens, sans distinction de classe sociale, sont tous trilingues et même plus. Chacun à une langue maternelle propre (Cantonais, Mandarin, Hindi, Tamoul, Penjâbi,…). Tout le monde parle Créole car c’est la langue de la sociabilité informelle. Tout le monde parle Français « car c’est le Français ».  Et enfin, tout le monde parle Anglais car c’est la langue officielle. C’est véritablement extraordinaire à Maurice, l’île n’a connu qu’un siècle d’administration française, la France l’a quittée en 19ème, l’anglais est la seule langue officielle, mais tout le monde préfère apprendre le Français avant l’Anglais et l’utilise plus souvent. Pour vous donner un exemple, l’essentiel de l’affichage publicitaire et signalétique  est fait en Français !

Cela pourrait sembler incohérent d’aller à Madagascar, puis à Maurice ; de passer sans gêne de la plus grande pauvreté au paradis capitaliste. A vrai dire les deux pays entretiennent des liens culturels très forts, et les deux populations s’estiment très largement. Malgré l’éloignement apparent des deux îles, il y a une véritable continuité. La fertilité du sol, le vert des paysages, la canne à sucre, le Rhum, les maisons créoles, le raphia, les lémuriens, les tortues, la vanille, les litchis, la marqueterie, les tintinophiles, les francophiles, les épices, Paul et Virginie, … Saviez-vous que lorsque la France à quitté Madagascar en 1960 il aurait été question que la direction du pays soit confiée à Maurice ?

Mais à vrai dire de ce qu’on nous dit de Maurice, les plages, c’est très décevant.  En effet, vous êtes sur une île mais vous ne voyez que très rarement la mer. Tous les rivages sont pris d’assaut par les hôtels et résidences de luxe, l’essentiel des côtes est privatisé. Ainsi vous pouvez être à 10 mètre à vol d’oiseau de la plage, il vous faudra néanmoins faire 5km en voiture pour accéder à la plage publique. On vous dit plage publique, en fait il s’agit plus d’une bande de sable de 2 mètres coincée entre la route et la mer, et pour se baigner il faut nager entre les yachts de luxe… De même, comme c’est une île volcanique, le plateau continental sous-marin est très élevé. Ainsi il faut marcher longtemps (300 mètres) pour avoir de l’eau au-dessus du genou. Sur toutes les publicités Occidentale de Maurice, on peut voire une personne qui fait la planche au milieu des eaux turquoise. Si elle fait la planche c’est que c’est l’unique moyen de se mouiller intégralement et si l’eau est turquoise, c’est qu’elle n’est pas profonde ! Tout cela pour vous dire que les plages Malgaches valent mille fois celles de Maurice.

samedi 4 janvier 2014

Tana


Antananarivo, Tananarive, Antanarive n’existent pas ; seulement dans les dictionnaires et atlas. Ici un consensus mutuel renomme la ville Tana. Tana… On ne prononce pas « Tana » avec indifférence et insolence. Tana se souffle avec emphase du bout des lèvres, c’est une femme mystérieuse il faut la respecter.

Avant d’arriver à Tana j’étais très partagé, je ne savais pas quoi en penser. D’un coté la ville coloniale et l’imaginaire me fascinaient de l’autre  les commentaires acerbes des expat’ aguerris sur l’insécurité, la pollution et les embouteillages modéraient mes ardeurs.  J’étais d’autant moins enthousiaste que j’avais appris que les résultats des élections devaient être annoncés aujourd’hui.  Par mesure de sécurité j’avais embauché un garde du corps, une armoire à glace qui est venue m’accueillir à la sortie de l’avion.

Courageux mais pas téméraires, je décide, après mon installation à l’hôtel, d’embaucher un chauffeur pour visiter les environs de Tana. Il me propose d’aller à la Croc’Farm. Ni une ni deux me voilà parti avec, Michel, mon garde du corps et mon chauffeur Théodose. Croc’Farm ? C’est un élevage de crocodile, pour revendre leurs peaux à l’industrie du luxe. Nichée aux cœurs des rizières, à 3 km de l’aéroport, la ferme est une ancienne maison créole au milieu d’un très grand parc. L’aménagement du parc est brillamment fait, c’est un subtil mélange de jardin botanique, de zoo et d’élevage. Dans le parc tous les animaux endémiques de Mada y sont présents. 

Mon guide m’a beaucoup fait rire, il m’annonce avec beaucoup de solennité « Maintenant Monsieur, nous allons voir le plus grand carnivore de Madagascar, faites attention il est très dangereux ». Arrivé devant l’enclos du monstre, je vois un gros chat, qui ronronnait paisiblement sur sa branche…  Il y avait également  dans le parc une énorme tortue de 180 ans ! On a beau dire que ce n‘est qu’une tortue, mais voir et toucher un être vivant aussi vieux c’est impressionnant… Elle est née en 1833…

Après nous sommes passé devant un enclos de zébu, « le garde à manger des crocos ». 

Dans la ferme il y a plus de 300 crocodiles répartis en différents bassin, ce qui fait une consommation de 500 milles tonnes de viandes par an. Les crocos il y en a de toutes les tailles et couleurs : du petit tout mignon, au crocodile du Nil, en passant par les crocos albinos.  Je n‘aurais pas cru, mais regarder les crocos n’a rien d’effrayant (les clôtures y jouent pour beaucoup aussi), ce qui m’a le plus frappé c’est leur effet apaisant. Il faut les voir dériver nonchalamment, bailler de toute leur gueule, dorer au soleil pendant des heures. Mais c’est surtout la carapace qui gonfle, s’étend  et s'épanouie au rythme de la respiration qui a un effet relaxant. 

Après mon petit tour, j’ai joué la carte du sadisme.  Je me suis installé sur le balcon du restaurant qui surplombe le plus grand bassin de croco (150 bêtes) et j’ai commandé des brochettes de crocodile ! Alors la viande de croco c’est très bon. La texture ressemble à de la viande de veau, en plus gras, et le goût est très proche de celui de la langouste. Je me suis régalé !

Au cours de la visite j’ai appris une anecdote assez « croustillante ». Au Moyen-âge en France quand la justice ne parvenait à décider si l’accusé était coupable, on s’en remettait au « Jugement de Dieu ». A Madagascar, dans les mêmes circonstances, l’accusé devait traverser un lac/rivière infesté de crocodiles, s’il en ressortait indemne il était innocenté, dans le cas contraire les crocos avaient le droit à un bon repas…

Après la visite je me suis dit que c’était trop bête d’être à Tana et ne pas visiter le centre-ville, avec l’accord de Michel nous y sommes allés. C’était la bonne décision puisqu’il n’ y avait aucune agitation, par ailleurs la proclamation des résultats des élections a été retardée.

Tana n’est pas belle au sens parisien, mais elle a un charme fou et indescriptible. La ville haute (coloniale) est un enchevêtrement de petites rues pavées, de maisons créoles. Une multitude de clocher hérissent la colline. Pour le dire clairement, on se croirait dans un petit village français, c’est tout à fait charmant ! Dans la ville haute point de pauvreté, ni de richesse  nauséeuse à vrai dire. Il y a bien les grands magasins type Cartier, Chanel ou Ralph Lauren, mais ils sont logées au creux de petites maisonnettes décaties. L’atmosphère y est nonchalante, décomplexée véritablement agréable. Le haut de la colline est surplombé par le palais de la reine, qui vient juste d’être restauré des conséquences de l’incendie de 1995. D’ici le point de vue sur Tana est époustouflant.  Tana est une ville dantesque, qui s’étend à l’infinie, mais ce qui m’a frappé c’est la multitude de zones vertes. Vous pouvez être dans le centre ville et marcher le long d’une rizière, le contraste est saisissant.

Après nous nous sommes rendus dans la Ville Basse. La ville malgache. Nous avons descendu les avenue de l’indépendance  et Jean Jaurès en 2CV (ça n’a pas de prix), et fait le tour du lac Anosy. Ce lac a une histoire très intéressante. En forme de cœur, il a été creusé par Gallieni qui voulait faire u cadeau à sa maitresse, la reine malgache. Le lac est entouré de grands et beaux acacias, au milieu, sur un ilot, trône fièrement le monument au morts pour la France en 14-18.

En bon francophile, j’ai fait un arrêt obligatoire au Café de la Gare. Le lieu mythique de Tana, aussi incontournable que la Tour Eiffel à Paris. C’est un café où les élites culturelles francophones de toute l’ile se réunissent. Le service est digne du Georges V, c’est très agréable d’y prendre une collation.  Et le soir, je suis allé manger un magret de canard sauce foie gras (très redondant mais tellement bon) dans le restaurant Jean Laborde qui surplombe toute la ville.

Je vous ai brossé un portrait plutôt flatteur de Tana, mais il ne faut pas se voiler la face la pauvreté y est sordide. Le plus dur c’est qu’elle n’est pas instrumentalisée par la mafia, elle est réelle. Des bébés qui sont lavés avec l’eau des caniveaux au dessus de l’égout, des gamins qui dorment sur des poubelles, des gamines qui se prostituent à tous les coins de rues…

Tana n’est pas aussi horrible qu’on le dit, les embouteillages ne sont pas si dérangeants (rien à voire avec ceux de Bombay), pas de problème d’insécurité si vous n’étalez pas un luxe dérangeant (j’entends par là qu’il ne faut sortir dans la rue vêtu uniquement d’une chemise et un pantalon, strictement rien d’autre pas même une ceinture !) 

Ce qui m’a le plus enthousiasmé, c’est que Tana est un ville à fort potentiel touristique mais vide de touristes, ce qui lui accroit son charme… ET maintenant me voici à Maurice prêt à me reposer :D